Un an après le tremblement de terre en Haïti, ils sont nombreux, là-bas, au Canada ou ailleurs à se demander où en est la reconstruction. C'est une question légitime. Pourtant, à lire les bilans publiés sur le sujet depuis quelques jours, il est difficile de le savoir, et ce n'est pas le récent rapport d'Oxfam qui va nous aider à mieux comprendre la situation sur le terrain.

Un an après le tremblement de terre en Haïti, ils sont nombreux, là-bas, au Canada ou ailleurs à se demander où en est la reconstruction. C'est une question légitime. Pourtant, à lire les bilans publiés sur le sujet depuis quelques jours, il est difficile de le savoir, et ce n'est pas le récent rapport d'Oxfam qui va nous aider à mieux comprendre la situation sur le terrain.

Le séisme de 2010 a été une des pires catastrophes naturelles de l'histoire: plus de 230 000 morts et un million de sans-abri, un gouvernement décimé, quelque 30% des fonctionnaires tués, les grandes infrastructures administratives et industrielles pulvérisées. Même le tsunami de 2004 dans l'océan Indien n'avait pas provoqué une telle hécatombe. L'urgence était donc de mise. Il fallait parer au plus pressant, sauver des vies, redonner espoir. La communauté internationale s'est engagée dans un effort de reconstruction à hauteur de 11 milliards de dollars pour les prochaines années. Ce n'est pas rien.

Aujourd'hui, c'est l'heure d'un premier bilan. Oxfam International a produit le sien, et le résultat de son évaluation est décevant. Il y a quelque chose de gênant à lire ces 30 pages où rien ni personne n'est épargné - sauf Oxfam, bien entendu, qui sait faire. Le document fourmille de clichés bons à reprendre par des journalistes pressés: les Américains contrôlent tout; le gouvernement est corrompu; l'ONU est incompétente et insensible; et, selon un sondage mené par Oxfam en mars 2010 (eh oui, deux mois après la catastrophe), les Haïtiens veulent que l'État privilégie la création d'emplois, l'éducation et le logement. Bref, ce qu'ils réclamaient avant le séisme.

Les clichés sont trop souvent le fonds de commerce des plaidoyers des ONG. C'est de bonne guerre, mais ce qui l'est moins, c'est le caractère politiquement correct, vague et surréaliste de certaines recommandations d'Oxfam.

Après avoir pieusement rappelé que «le processus de reconstruction post-séisme doit privilégier la promotion de moyens de subsistance durables et aider chacun à gagner sa vie», Oxfam recommande à l'État haïtien rien de moins que de «développer des programmes de protection sociale appropriés et accessibles aux populations urbaines et rurales (...)» et d'«investir dans les services de base en termes de santé et d'éducation et de développer un plan de création d'emplois qui permette aux chômeurs de retrouver un travail et de développer leurs compétences dans le cadre de projets contribuant à la restauration et à la reconstruction». Ouf! Pas mal comme recommandations dans un pays où le chômage touchait déjà 65% de la population avant le séisme et où les structures gouvernementales et administratives de l'État ont été dévastées et sont donc, de l'aveu même d'Oxfam, pratiquement incapables de produire tous les plans, toutes les stratégies et toutes les actions si vaillamment préconisées dans le rapport. Même une bonne pluie de printemps ne pourrait faire pousser autant de champignons.

Et puis, il y a cette obsession au sujet du décaissement des sommes promises à Haïti lors de la conférence des donateurs de mars 2010, une obsession que les médias scandent comme un mantra, mais dont on ignore au juste ce qu'il doit signifier.

Selon Oxfam, en novembre dernier, soit neuf mois après la catastrophe, «à peine plus de 40% des fonds promis pour 2010 avaient été versés». Et alors? Quelle est donc la mesure d'un bon décaissement? Trois ans après avoir été dévastée par le tsunami de 2004, la province d'Aceh, en Indonésie, avait reçu 75% des sept milliards d'aides promises, et ce, dans un contexte où l'État indonésien fonctionnait parfaitement.

Qu'on me comprenne bien. Il n'est pas question ici de dénigrer le travail impeccable d'Oxfam dans le monde et en particulier à Haïti. Mais personne n'a de recette miracle pour reconstruire des zones frappées par des catastrophes de l'ampleur du séisme haïtien. Alors, en parlant d'Haïti, il faudrait sans doute un peu de recul pour prendre la mesure réelle des choses et un peu de retenue pour donner du temps au temps et aux institutions afin de reconstruire.