Dimanche matin, je regardais vers le nord par la fenêtre de mon hôtel de Séoul. Dans mon champ de vision se profilaient le palais Gyeongbeok, la patinoire de l'hôtel de ville et, heureusement, aucune grenade ou aucun missile venant dans ma direction - pour le moment.

Dimanche matin, je regardais vers le nord par la fenêtre de mon hôtel de Séoul. Dans mon champ de vision se profilaient le palais Gyeongbeok, la patinoire de l'hôtel de ville et, heureusement, aucune grenade ou aucun missile venant dans ma direction - pour le moment.

À la suite des tirs d'artillerie mortels ayant touché l'île de Yeonpyeong dans la mer Jaune, le 23 novembre, un nouvel épisode tragique semblait imminent dans le conflit militaire opposant les Corées du Nord et du Sud depuis des décennies. Cette menace demeure toujours bien présente, en dépit de l'absence d'une réponse immédiate de la Corée du Nord aux exercices militaires effectués lundi par la Corée du Sud.

En insistant sur son droit souverain de mener de tels exercices sur ce qu'elle considère être son propre territoire, Séoul a ignoré tous les avertissements servis par la Corée du Nord, tout comme les appels de la Chine et de la Russie lui demandant de suspendre ou reporter ces opérations. Cette politique de la ligne dure lui sera-t-elle profitable?

Quoi qu'il en soit, ses options étaient pour le moins limitées. Après les nombreuses agressions verbales et militaires de son voisin du nord, il devient de plus en plus difficile pour le gouvernement de Lee Myung-bak de tendre l'autre joue. Dans la foulée de la réponse tiède de la communauté internationale à ses demandes pour des sanctions exemplaires à l'encontre de la Corée du Sud, relativement à l'incident de la corvette Cheonan coulée plus tôt cette année, le président Lee et son entourage étaient prêts à répliquer personnellement et directement. L'évocation, à la suite des bombardements du mois de novembre, des faiblesses structurelles existant dans les forces militaires de la Corée du Sud n'a que renforcé leur désir de montrer leur puissance et leur capacité à répliquer.

La Corée du Nord a fait preuve de pragmatisme en ne mordant pas à cet appât. Ses dirigeants ont été assez intelligents pour ne pas eux-mêmes répliquer, alors que leur ennemi était fin prêt à la fois politiquement et militairement. La partie est cependant loin d'être terminée. Ils attendront une meilleure occasion, et il est certain que celle-ci se présentera. Le conflit sous-jacent n'est pas réglé, son dénouement est seulement remis à plus tard.

Pour le moment, la Corée du Nord a remporté un nombre assez important de succès remarquables sur le plan diplomatique. À en juger par les comptes rendus des médias internationaux, la Corée du Sud est en voie de perdre sa supériorité morale en tant que démocratie pacifique constamment harassée par la dictature du Nord. L'opinion internationale étant relativement divisée quant à la pertinence de ses récents exercices militaires, le régime de Pyongyang profite de ce malaise pour mieux paraître. Du même coup, il se dit prêt à discuter avec le gouverneur américain Bill Richardson qui semble heureux d'évoquer cette proposition.

À la suite de ces événements, Pékin se retrouve bloqué dans une situation où sa défense de la Corée du Nord devient une question de principe. En supposant erronément que la Chine peut et doit contrôler les agissements de la Corée du Nord, les États-Unis ont, sans le vouloir, solidifié l'alliance de ces deux partenaires entre qui la confiance est loin de régner. Au même moment, on assiste à un renforcement de la cohésion existant au sein du vieil axe Washington-Tokyo-Séoul qui, jusqu'à récemment, montrait des signes d'effritement. Le Japon vient de redéployer ses troupes, de sa frontière avec la Russie jusqu'à la mer de Chine du Sud. Nul besoin de mentionner que Pékin est loin d'en être ravi.

Serait-ce le premier acte d'une nouvelle guerre froide? Comme il y a une soixantaine d'années, la bataille qui sévit en Corée est au coeur d'un conflit beaucoup plus grand, et la péninsule risque une nouvelle fois d'en subir les conséquences. Également, la mise en place d'une solution à long terme est cruciale pour raviver les espoirs de paix durable en Corée. Si tel n'est pas le cas, les habitants de Séoul auront rapidement de nouvelles raisons de s'inquiéter de la menace venue du nord.