Il fut une époque où l'Europe incarnait une vraie réussite : la réconciliation définitive de ceux qui s'étaient entretués à trois reprises en moins d'un siècle, la construction d'un modèle de coopération unique en son genre, fondé sur de vrais partages de souveraineté, et le développement d'un modèle économique apte à conjuguer la croissance économique avec la justice sociale et le respect de l'environnement.

Il fut une époque où l'Europe incarnait une vraie réussite : la réconciliation définitive de ceux qui s'étaient entretués à trois reprises en moins d'un siècle, la construction d'un modèle de coopération unique en son genre, fondé sur de vrais partages de souveraineté, et le développement d'un modèle économique apte à conjuguer la croissance économique avec la justice sociale et le respect de l'environnement.

Aujourd'hui, l'Europe est aux abois. Le déclin de son influence dans le monde est manifeste, son déclin démographique est programmé et son déclin économique paraît irréversible. Les taux de croissance sont anémiques, les déficits publics sont abyssaux et les crises dans la zone euro s'additionnent. La morosité est plus profonde en Europe qu'ailleurs en Occident. Pourquoi?

L'Europe n'a pourtant pas le monopole des leaders politiques discrédités, des gouvernements impopulaires et des oppositions incapables d'incarner une alternative intéressante. Elle n'a pas non plus le monopole des plans de sauvetage élaborés au bénéfice des uns et qui se traduisent aujourd'hui par des plans d'austérité pour les autres, ni celui des scandales financiers, ni celui des affaires de corruption. Elle n'a même pas le monopole du populisme rampant qu'on voit fleurir, hélas, partout.

Le désespoir est peut-être à la mesure de ce qu'a été le rêve européen. Les Européens de la première heure reprochent à l'Europe de ne pas les avoir protégés des horreurs de la mondialisation et d'avoir immolé sur l'autel du libéralisme leurs idéaux de justice. Les Européens de la dernière heure lui reprochent de ne pas avoir fait pour eux ce qu'elle a fait pour les autres. Historiquement, tous les nouveaux adhérents à l'Union européenne ont profité d'un rattrapage économique spectaculaire. Ce n'est plus le cas. L'Europe aurait-elle cessé de faire partie de la solution et ferait-elle maintenant plutôt partie du problème?

Le débat est engagé entre ceux qui croient qu'il faut plus d'Europe et ceux qui croient qu'il faut, au contraire, moins d'Europe. Pour l'heure, ce sont ces derniers qui ont le vent en poupe. L'Europe se détricote. Les Allemands et les Hollandais (les seuls contributeurs nets) ne veulent plus payer et la zone euro traverse une période de turbulence dont elle ne sortira pas indemne. Le budget européen subit le contrecoup des mesures d'austérité sans précédent adoptées par tous les pays membres de l'Union.

En face, il y a ceux qui essaient d'expliquer que si l'Europe est aussi mal en point, c'est parce qu'elle n'a pas eu le courage d'aller au bout de la logique qui est la sienne. Pour être entendue sur la scène internationale, il faudrait qu'elle apprenne à parler d'une seule voix. Pour être à la hauteur des défis qui sont les siens, il faudrait que l'Europe dispose d'un budget digne de ce nom. Des voix se font entendre, notamment au Parlement européen, pour promouvoir une relance de la construction européenne qui irait dans ce sens. On reparle même de fédéralisme européen, mais il est difficile aujourd'hui d'être très optimiste. L'exemple de l'euro, à cet égard, est éloquent.

L'introduction de l'euro a été présentée, avec raison, comme un grand pas en avant pour la construction européenne, mais encore eut-il fallu que les pays de la zone respectent leurs engagements. Or, ils ont plutôt essayé de se soustraire à leurs obligations... lorsqu'ils n'ont pas carrément trafiqué leurs chiffres!

Il manque à la zone euro de vrais mécanismes de contrôles et de sanction. Il manque une gestion politique de la monnaie commune et un plan de convergence économique et fiscale. Tout cela viendra peut-être.

Entre-temps, il est déjà intéressant de constater que même dans une période de réaffirmation des souverainetés nationales, Bruxelles s'est vu reconnaître récemment un droit de regard sur les budgets nationaux. Comme quoi, l'Europe continue à se construire non pas en dépit des crises, mais à cause d'elles. Comme quoi, le pire n'est jamais certain.