Mercredi dernier, la Coalition Priorité cancer faisait une sortie spectaculaire et dénonçait ce qu'elle décrit comme un manque d'accès aux nouveaux médicaments anticancéreux au Québec. Dans l'article «Des Québécois privés de médicaments de pointe», La Presse rapportait le discours de la Coalition. Nous souhaitons apporter des rectifications importantes et présenter une autre perspective.

Mercredi dernier, la Coalition Priorité cancer faisait une sortie spectaculaire et dénonçait ce qu'elle décrit comme un manque d'accès aux nouveaux médicaments anticancéreux au Québec. Dans l'article «Des Québécois privés de médicaments de pointe», La Presse rapportait le discours de la Coalition. Nous souhaitons apporter des rectifications importantes et présenter une autre perspective.

Selon le président de la Coalition, «ce n'est pas un hasard si le Québec a l'un des plus hauts taux de mortalité par cancer au Canada (et dans le monde industrialisé), alors que la Colombie-Britannique - qui rembourse beaucoup plus de médicaments - a le plus bas». Or, imputer ce fait à un manque d'accès est un grave raccourci. D'autres facteurs doivent être pris en considération. Par exemple, le Québec détient le plus haut taux de cancer du poumon, un des cancers les plus mortels, ce qui a un impact sur le taux de mortalité lié au cancer en général. Ceci en dit plus sur le retard du Québec dans la lutte contre le tabagisme que sur l'efficacité présumée des nouveaux médicaments.

Une autre stratégie rhétorique de la Coalition est de souligner le fait que le Conseil du médicament approuve moins de demandes de couvertures qu'auparavant. Ce fait ne veut absolument rien dire si on ne tient pas compte de la qualité des nouvelles demandes. De plus, selon Pascale Lehoux, auteure d'un ouvrage important en évaluation des technologies de la santé, l'acceptation systématique des demandes des fabricants peut être le signe d'une mauvaise pratique évaluative. Une évaluation de qualité doit être capable de faire des recommandations impopulaires comme lorsqu'une technologie apporte peu de bénéfices par rapport aux coûts.  

Enfin, selon la Coalition, les considérations financières prennent trop de place dans les évaluations du Conseil. Or, plusieurs des nouveaux anticancéreux coûtent extrêmement cher et apportent très peu de bénéfices, soit à peine quelques mois de survie. Qu'on le veuille ou non, le rapport coût-bénéfice d'un nouveau traitement est un critère d'évaluation fondamental dans toute allocation responsable et optimale des ressources. Il est utilisé dans toutes les grandes agences d'évaluation comme le NICE en Angleterre ou Cancer Care en Ontario.

Rappelons que toute inscription d'un nouveau médicament a un coût d'opportunité, c'est-à-dire qu'elle implique nécessairement l'abandon d'un autre service, en santé ou dans un autre secteur public.

Dans le domaine de la santé, les demandes dépasseront toujours les ressources disponibles. Dans ce contexte, on doit inévitablement prioriser certains services. Idéalement, les services priorisés seront ceux qui apportent le plus de bénéfices et d'équité tout en préservant la pérennité et l'abordabilité du système de santé public.

Mais dans les faits, les priorités sont souvent le reflet de rapports de forces. Comme lieu de convergence des intérêts des personnes atteintes de cancer, des oncologues mais aussi de ses commanditaires de l'industrie pharmaceutique, la Coalition Priorité cancer a le rapport de force nécessaire pour mettre ses priorités à l'agenda. Espérons que cela ne se fera pas au détriment de services plus efficients, des services aux personnes atteintes d'autres maladies, du caractère public du système de santé et des générations futures.

* L'auteur est aussi doctorant en sciences humaines appliquées, spécialisation bioéthique, à la faculté des arts et des sciences de l'Université de Montréal.