Les dirigeants européens, tels des pompiers pyromanes, courent d'un feu à l'autre, en oubliant qu'ils avaient eux-mêmes allumé l'incendie.

Les dirigeants européens, tels des pompiers pyromanes, courent d'un feu à l'autre, en oubliant qu'ils avaient eux-mêmes allumé l'incendie.

La détresse financière de la zone euro est, en effet, le résultat d'erreurs de gestion publique : dans les temps prospères, les gouvernements adoptaient des budgets en déficit, persuadés que la croissance à venir épongerait les dettes. Quand la crise fut venue, le libéralisme fut déclaré coupable ; et c'est au nom de la relance, dite keynésienne, que les déficits furent aggravés. Au déficit de la prospérité s'est ainsi ajouté le déficit de la stimulation, qui n'a rien relancé du tout.

Les marchés financiers, c'est-à-dire les épargnants, s'en inquiètent : ils exigent avec raison des taux d'intérêt à la mesure des risques qu'ils prennent. Contrairement à ce que l'on entend ici ou là, ce n'est pas l'euro qui génère leur scepticisme, mais la capacité ou non de certains pays de croître suffisamment pour rembourser leurs dettes : la preuve en est que l'euro allemand se porte bien et l'euro grec fort mal. Un même euro, mais pas les mêmes perspectives de croissance : les États malades de l'eurozone ne sont donc pas victimes d'un complot, mais de leur mauvaise gestion et de leurs idées courtes.

Il est faux aussi d'imaginer une sortie de crise par de seules mesures de sauvetage financier. L'Europe est, en vérité, tirée vers le bas par des raisons qui exigeraient plus que du raccommodage. Tout d'abord, les États-Providence ne sont plus viables parce qu'ils furent initialement conçus sur la redistribution des classes jeunes vers les classes âgées. Or, les jeunes deviennent moins nombreux que leurs aînés et vivent moins bien qu'eux.

Couper dans les avantages de l'État-Providence permet de gagner du temps, c'est impopulaire et, surtout, ce n'est pas un programme : les fondements du système lui-même devraient être repensés en le fondant, pour l'avenir, sur l'épargne personnelle et en introduisant des innovations radicales. On suggérera, par exemple, «l'impôt négatif» (un projet de Milton Friedman) pour tous, qui remplacerait à terme les programmes d'aide sociale.

La sortie de crise exigerait aussi de restaurer l'avantage comparatif de l'Europe. Il est maintenant acquis que les économies émergentes ne vont plus disparaître et qu'elles seront capables de produire ce que les Européens produisent, mais à moindre coût. Dans cette concurrence mondialisée, l'avenir appartient à ceux qui innovent, se spécialisent et entreprennent. On voit que la Suisse ou l'Allemagne l'emportent déjà pour ces raisons, tandis que l'Espagne, faute d'avantages comparatifs, hormis le soleil, est menacée de déclin.

Restaurer l'esprit d'entreprise prend plus de temps que de sauver les banques irlandaises ou le budget grec, mais c'est possible : la Grande-Bretagne dans les années 80, l'Allemagne dans les années 90, la Pologne au présent, partant d'un juste diagnostic, ont su créer ou recréer leur avantage comparatif sur le marché mondial par des dispositions légales, fiscales et monétaires adéquates.

La crise européenne est donc sérieuse en raison de la pauvreté de l'analyse et de l'absence de projet à long terme : ce n'est pas l'euro qui est menacé, mais l'intelligence économique ou l'audace politique qui font défaut.