Le monde de l'information connaît des perturbations profondes. La télévision avait déjà changé les choses. Les chefs d'entreprises ont dû apprivoiser la façon de se comporter devant le micro et la caméra. Mais ce sont les nouvelles en continu qui ont encore plus radicalement changé l'information.

Le monde de l'information connaît des perturbations profondes. La télévision avait déjà changé les choses. Les chefs d'entreprises ont dû apprivoiser la façon de se comporter devant le micro et la caméra. Mais ce sont les nouvelles en continu qui ont encore plus radicalement changé l'information.

Désormais tout est live. On vit la tyrannie du clip, de la tombée et de l'audimat. Les ordinateurs personnels et internet en ont rajouté, sans compter les téléphones intelligents, capables de prendre des photos et de tourner des vidéos aussitôt retransmis live partout et tout le temps.

Il y a de multiples manières d'orienter l'information: le choix du sujet plutôt qu'un autre, l'angle, la manière de traiter le sujet, les commentateurs ou les experts invités. Tout ça sous le couvert du plus grand professionnalisme. Mais les commentateurs sont toujours les mêmes et ont des opinions qui vont toujours dans le même sens, celui de la contestation des entreprises et des pouvoirs publics, de la mise de l'avant des groupes d'intérêt et, souvent en filigrane, de l'avancement de la souveraineté - le fameux thème qui tient notre débat public en otage depuis 50 ans.

Qui veut être leader aujourd'hui quand les médias se livrent à une sorte de «demolition derby», live et en continu? Les personnes en autorité désignées pour diriger les entreprises ou les personnes élues par la population n'ont plus droit à aucun respect de la part d'un pouvoir qui juge tout le monde, mais qui ne se soumet lui-même à aucune instance déontologique ou disciplinaire. Certains procédés médiatiques représentent plus de dangers que les torts qu'ils prétendent corriger lorsque la règle de droit est contournée, lorsqu'ils foulent aux pieds la présomption d'innocence et s'apparentent au lynchage public.

Suivez bien le processus. L'utilisation des sources anonymes, maintenant voilées et à la voix déformée, est désormais monnaie courante. La parole est ensuite donnée à des experts, professeurs d'université ou éthiciens autoproclamés, qui font les gorges chaudes. On poursuit avec les commentaires de groupes d'intérêts ou de syndicats qui appellent à une commission d'enquête publique. Et on met les feux sur l'opposition qui prend le relais à la période de questions de l'Assemblée nationale et qui crie à l'apocalypse.

Tout journaliste digne de ce nom veut être le Daniel Leblanc d'une commission Gomery. Au terme d'un tel battage, on fait alors un sondage et on rapporte, comme si c'était une surprise, que bien oui ! la population veut une enquête publique!

Tout le monde comprend bien la motivation de ceux qui souhaitent voir les scandales chasser le gouvernement actuel pour pouvoir prendre sa place, peu importe les conséquences funestes. Mais il serait tout à fait irresponsable pour n'importe quel premier ministre de créer une autre commission d'enquête qui salirait inconsidérément les réputations sur la place publique. Un tel exercice nous déchirerait et paralyserait encore le Québec pour une autre décennie.  

En tenant tête à la clameur qui veut un bûcher officiel pour poursuivre le lynchage en continu, et en privilégiant la règle de droit et le processus judiciaire, M. Charest a jusqu'ici fait preuve de leadership.

Les sondages dont les médias sont friands ne veulent plus rien dire parce qu'ils posent des questions hypothétiques. Un sondage a même attribué un vaste appui à un parti qui n'existe pas. Dans une élection, les gens votent à un moment précis sur des enjeux et sur des candidats dûment en lice. Les sondages sur les intentions de vote juste avant les élections sont généralement plus exacts. Entre ces moments précis de choix, les répondants utilisent les sondages pour se défouler, mais leurs réponses ne se traduisent éventuellement pas dans leurs votes.

Robert Bourassa, élu quatre fois par les Québécois, pensait qu'il ne fallait pas confondre les humeurs du moment avec les convictions profondes du peuple. Malgré tout le battage, le peuple ultimement décide.

* Ce texte est tiré de la conférence qu'il a prononcée mercredi, à Montréal, devant les membres de l'Association des MBA du Québec.