Sans surprise, BHP Billiton a finalement retiré son offre hostile sur Potash Corp. BHP Billiton y croyait, même après trois mois d'hostilité. Elle y croyait tellement qu'elle a dépensé 350 millions de dollars pour une campagne futile.

Sans surprise, BHP Billiton a finalement retiré son offre hostile sur Potash Corp. BHP Billiton y croyait, même après trois mois d'hostilité. Elle y croyait tellement qu'elle a dépensé 350 millions de dollars pour une campagne futile.

Mais que réserve maintenant l'avenir pour l'industrie de la potasse? La potasse, un minerai méconnu mais combien essentiel pour la fabrication de fertilisants agricoles, a défrayé la manchette pendant plusieurs semaines. La valeur de la transaction frôlait les 40 milliards, un record pour notre pays. Certains croyaient que la transaction offrait au Canada une opportunité inouïe, mais une grande majorité, dont le gouvernement du Québec, s'opposait à l'offre de BHP Billiton.

En fin de compte, le gouvernement du Canada a donné raison aux pourfendeurs de la transaction, jugeant que l'achat de Potash Corp. n'offrait aucun «bénéfice net» au Canada à long terme.

Investissement Canada estime que la potasse est une ressource stratégique pour le pays. Même si l'achat hostile de BHP Billiton a échoué, le rôle de support du Canada pour la mosaïque agricole du globe et son rapport stratégique avec d'autres États changera à tout jamais.

L'offre de BHP Billiton a mis en lumière un malaise profond au Canada: notre incapacité d'évaluer l'impact économique réel des achats hostiles provenant de l'étranger de façon transparente et équitable crève les yeux.

À part le gouvernement conservateur à Ottawa, personne ne semble bien saisir le sens des critères d'Investissement Canada. Le manque de cohérence à cet égard est potentiellement plus dommageable qu'un «non» impulsif à BHP Billiton, surtout dans le cas d'une organisation intimement liée au domaine de l'agroalimentaire. L'étendue de l'évaluation doit outrepasser les frontières de la firme sujette à l'acquisition.

En agroalimentaire, les systèmes de distribution sont parfois fort complexes. L'importance de Canpotex, l'oligopole mandaté par Potash Corp. afin d'obtenir le contrôle du marché nord-américain de la potasse par entente formelle avec deux autres minières, est réelle. Plus que jamais, plusieurs se questionnent sur la pertinence de ce «cartel de la potasse». L'offre de BHP Billiton a singulièrement déclenché un débat sur l'avenir de Canpotex. Plusieurs s'entendent que l'un des trois partenaires qui forment Canpotex (Agrium, Mosaic et Potash Corp.) disparaîtra d'ici quelques années. Afin de bien formuler de nouvelles politiques concernant la commercialisation de la potasse à l'étranger, un recensement complet sur les effets plausibles du démantèlement de Canpotex est nécessaire.

Parallèlement, la décision-surprise, mais politiquement justifiée, du ministre Tony Clement de bloquer la transaction en a surpris plusieurs, purement et simplement. Les facteurs économiques ont clairement été évacués de l'équation finale.  Bien que l'opposition fut bien orchestrée et franchement très vigoureuse, nous sommes dans l'obligation en tant que pays de bien ficeler nos règles afin de permettre à qui que ce soit d'anticiper la réaction du gouvernement canadien. Le fait d'avoir un gouvernement minoritaire ou majoritaire ne devrait aucunement empoisonner un processus qui se doit d'être prévisible et prescrit.

La tentative médiatisée de BHP Billiton invite les Canadiens à réfléchir sur le rôle que le Canada peut jouer sur l'échiquier mondial de l'agriculture. Cette attention aura certes des conséquences énormes. La potasse est littéralement une question de souveraineté alimentaire pour plusieurs pays en voie de développement. Puisque nous exportons 99 % de notre potasse, c'est une question de sécurité alimentaire pour plusieurs habitants du monde, excluant les Canadiens.

En tant que pays riche, nous devons accepter nos responsabilités, en quelque sorte. Presque un milliard d'habitants souffrent de faim chaque année dans le monde et plusieurs producteurs agricoles n'ont jamais eu les moyens d'acheter des fertilisants afin d'augmenter leur productivité.

Pour les prochaines générations, le Canada devra faire des choix difficiles en matière de politiques agroalimentaires. Pour la potasse, l'enjeu véritable est de trouver une formule qui nous permettrait d'exporter plus de potasse, à prix abordable, sans pour autant perdre nos acquis économiques.