Le prochain sommet des 20 plus grandes économies de la planète s'ouvre jeudi à Séoul. Le G20 a le mérite d'exister: en contraignant les gouvernants à parler une seule langue, celle du marché, cette grand-messe fait  progresser la science  économique. Quoi d'autre?

Le prochain sommet des 20 plus grandes économies de la planète s'ouvre jeudi à Séoul. Le G20 a le mérite d'exister: en contraignant les gouvernants à parler une seule langue, celle du marché, cette grand-messe fait  progresser la science  économique. Quoi d'autre?

Depuis 2008, grâce à une dynamique de groupe, ses membres ont résisté à la tentation de fermer les frontières ou de se livrer à des dévaluations sauvages. Mais le bilan est à nuancer: aux sommets de 2008 et 2009, le gouvernement des États-Unis a persuadé les autres membres que la «relance» par la dépense publique était indispensable.

Après deux ans de cette Obanomics, les pays sages qui ont le moins relancé (Corée du Sud, Chine) - se contentant d'inscrire dans leur budget des sommes qu'ils n'ont pas dépensées - ont le mieux surmonté la récession. Les vrais  dépensiers - États-Unis, Japon, France, Espagne - se retrouvent les plus endettés et les plus ralentis. Autant pour la gouvernance mondiale ! Si le G20 avait été un véritable gouvernement, le monde se porterait vraiment très mal.

Le G20 de Séoul sera  confrontée à une nouvelle menace, brandie par les pays stagnants: la  guerre des monnaies. Gouvernements et groupes de pression industriels, aux États-Unis et en Europe, prétendent que la valeur des monnaies détermine les flux commerciaux. Le yuan bon marché serait à l'origine des bénéfices chinois aux États-Unis; Nicolas Sarkozy répète que le changement incessant de valeur des monnaies et des matières premières causerait la stagnation européenne. Au G20 de Séoul, les Américains exigeront que les Chinois  réévaluent leur monnaie, ou  limitent volontairement leurs exportations. Nicolas Sarkozy défendra les fonds de stabilisation des monnaies et des matières premières. Les chefs d'État acquiesceront par politesse et rien ne s'en suivra. Une absence de décision qu'il faudra ne pas regretter, car ces morceaux de bravoure sur  monnaies et matières premières confondent les conséquences de la stagnation avec ses causes.

Considérons les mouvements du dollar américain: la Banque centrale et le gouvernement des États-Unis en sont seuls responsables. Le gigantisme des dettes conduit à une surabondance de dollars qui le rend sensible à toutes les spéculations. Et les effets d'annonces de la Banque fédérale provoquent des mouvements alternatifs de panique et d'engouement. Les Américains reprochent aux Chinois de manipuler leur monnaie? Ce sont les Américains qui organisent une baisse du dollar plus spectaculaire que ne le serait une hausse du yuan. Pourrait-on, comme le suggère Sarkozy, se passer du dollar? Aucun État ne renoncera à sa souveraineté monétaire pour se laisser dicter un cours par on ne sait quelle autorité ni sur quels critères.

Laissons donc les marchés arbitrer car la valeur des monnaies finit par refléter la qualité ou la médiocrité des politiques économiques. Il en va de même pour les matières premières: la volatilité des cours peut refléter des achats spéculatifs; mais dans le long terme, la hausse reflète la concurrence normale des pays émergents.

Ce G20 sera avant tout une fenêtre sur le monde à venir: chacun désormais, ne survivra à la mondialisation qu'en cultivant son avantage compétitif. Celui de la Chine n'est pas le yuan, mais la bonne organisation de la production de masse. L'avantage compétitif de l'Europe occidentale ou de l'Amérique du Nord? L'innovation, la création de produits et services inédits.

Le G20 va donc se jouer sur deux tableaux, le visible et le non-dit. Le visible désignera des boucs émissaires : le dollar, les Chinois! Attendons-nous à des proclamations lyriques sur la nécessité d'organiser des fonds de compensation et d'intervention. Tandis qu'en coulisse, chacun prendra acte du changement du monde: oui, le nombre des acteurs économiques a augmenté et  oui, certains sont mieux gérés que d'autres. Par contraste avec les G20 antérieurs, chacun s'en retournera à un libéralisme classique dont la Grande-Bretagne donne l'exemple le plus ferme.

Un consensus public, tout de même, devrait émerger à la demande de la Corée du Sud: il n'est pas de tâche plus urgente que de faire reculer la pauvreté de masse pour quelques milliards de nos frères humains. C'est possible : de bonnes stratégies économiques le permettent, à l'exemple de ce que la Corée du Sud a jusqu'ici accompli.