J'ai plus de 30 années d'expérience dans divers milieux, dont certains défavorisés où les enfants présentent de nombreux problèmes d'apprentissage et de comportement.

J'ai plus de 30 années d'expérience dans divers milieux, dont certains défavorisés où les enfants présentent de nombreux problèmes d'apprentissage et de comportement.

Dans le débat actuel sur l'intégration des élèves en difficulté, ma situation au travail soulève plusieurs interrogations, notamment sur la surcharge de travail et l'épuisement professionnel qui en résulte.

Ma classe dite «régulière» compte 27 élèves dont six ayant un dossier en psychoéducation pour problèmes de comportement importants. Parmi eux, un élève est suivi en neuropsychiatrie. De plus, neuf élèves ont des problématiques d'apprentissage, dont quatre n'ont pas réussi leur 4e année scolaire ni en français ni en mathématique, et deux autres sont diagnostiqués dyslexiques et dysorthographiques.

Un élève, appelons-le Éric, vient d'une autre école primaire de la même commission scolaire et présente des problèmes de comportement particulièrement graves. Aux dires de son enseignante de l'an passé, Éric aurait bénéficié d'un suivi auprès d'un TES (technicien en éducation spécialisée pour enfants avec troubles de comportement) lors des trois dernières années.

Bref, ma classe dite «régulière» compte 45% d'élèves en difficulté, soit 12 sur 27, et je me demande bien qui je dois intégrer à qui.

J'ai demandé une aide spécialisée pour Éric qui perturbe constamment le bon fonctionnement de la classe par son comportement d'opposition, d'arrogance, d'agressivité et de violence, tant verbale que physique, envers les autres élèves et moi-même.

• Éric coupe constamment la parole aux autres élèves et à moi-même, il fait le clown et passe des commentaires insolents ou arrogants ;

• Éric refuse de faire son travail et répond agressivement: «Non, je ne le fais pas!»;

• après lui avoir demandé d'apporter des corrections à un travail, Éric se lève, déchire violemment sa feuille et la lance à la poubelle en criant: «Tu fais exprès!»;

• non content de la note qu'il a reçue, Éric m'arrache agressivement son dossier des mains, quitte la classe en donnant des coups de pied sur mon bureau;

• de plus, Éric a reçu six avertissements écrits pour son comportement inacceptable lors des dîners, des déplacements, aux récréations, de la part d'autres enseignants.

Malgré les différentes interventions mises en place avec la collaboration de la psychoéducatrice depuis le début de l'année, son comportement ne s'est pas amélioré.

Mes autres élèves ont droit à une ambiance de travail calme et propice aux apprentissages et requièrent toute ma disponibilité. Déjà, la situation a entraîné un retard dans mon programme. Selon moi, il est urgent d'offrir à Éric un encadrement particulier qui répondrait à ses besoins spécifiques parce qu'une grande partie de mon temps et de mon énergie est centrée sur cet élève.

Malgré tout... on attendra encore avant de transférer Éric dans un centre spécialisé pour enfants avec difficultés graves de comportement puisque, aux dires de la mère, elle aurait entrepris une démarche de consultation auprès du CLSC.

Malgré tout... on attendra qu'Éric reçoive un septième avertissement écrit, alors que cinq suffisent habituellement pour une suspension de l'école.

Ainsi, mon appel à l'aide n'a fait qu'augmenter ma surcharge de travail. Non seulement je dois toujours endurer les comportements abusifs d'Éric, mais je dois aussi noter et documenter, heure par heure, chacun de ses comportements et les expliquer à la psychoéducatrice. Je dois également participer à des réunions à son sujet, en plus de répondre aux parents qui nient les problèmes de leur enfant et écouter les nombreuses plaintes des autres élèves le concernant.

Faut-il se surprendre que je sois présentement en arrêt de travail? Malgré toute mon expérience, je me sens, aujourd'hui, incapable de replonger dans un tel contexte de travail. Je me sens démunie face à un élève qui a des difficultés graves de comportement et qui demande un encadrement spécifique auquel je ne peux répondre, et ce, dans une classe où près d'un élève sur deux présente des difficultés d'apprentissage ou de comportement.

Suis-je la seule que l'intégration épuise?