Pendant la Révolution tranquille, une question s'est posée avec une franchise inouïe: celle de l'avenir des Canadiens français (devenus soudainement les Québécois) dans la fédération. Le nationalisme devenait plus moderne, moins passéiste, et il formulait directement les interrogations fondamentales.

Pendant la Révolution tranquille, une question s'est posée avec une franchise inouïe: celle de l'avenir des Canadiens français (devenus soudainement les Québécois) dans la fédération. Le nationalisme devenait plus moderne, moins passéiste, et il formulait directement les interrogations fondamentales.

Un courant révisionniste voudrait nous présenter le régime Duplessis comme un certain âge d'or du nationalisme. Pour avoir connu et observé, comme jeune adulte, le nationalisme du «chef», je garde le souvenir d'un nationalisme défensif, qui protégeait notre «butin», combattait les empiétements fédéraux, refusait les subventions d'Ottawa aux universités et réclamait avec opiniâtreté de nouveaux champs fiscaux.

Ce nationalisme de conservation, garant de la langue et de la foi, drapé dans le fleurdelisé et l'autonomie provinciale, ne remettait pas en question l'ordre constitutionnel établi: il tentait d'en tirer le meilleur parti possible.

Quand apparaît en 1960 un nationalisme de rattrapage, des intellectuels, des journalistes, des syndicalistes et des visionnaires (notamment Georges-Émile Lapalme) avaient préparé le terrain. Mais avant 1960, l'idéologie dominante, soutenue par l'appareil du pouvoir et la structure ecclésiastique, restait le nationalisme de conservation. Malgré les étincelles qui brillaient ici et là, la grande noirceur, pour ceux qui l'ont vécue, est loin d'être un mythe.

Dès 1960, la question constitutionnelle se pose de manière stridente et directe. Comment les Québécois peuvent-ils améliorer leur sort au sein de la «Confédération»? Éviteront-ils le statut de simple minorité ethnique pour être considérés comme un peuple ?

En août 1960, naît l'Action socialiste pour l'indépendance du Québec, fondée par Raoul Roy et d'inspiration marxiste. Un mois après se forme un autre mouvement, le RIN (Rassemblement pour l'indépendance nationale). Ces deux groupements, moins catholicards que les groupuscules indépendantistes des années 1930 et 1950, deviendront influents: le premier inspirera le Front de libération du Québec et le second sera un parti légitime aux élections de 1966.

Puis Jean Lesage, au sommet de sa puissance, porté par l'élan du «Maîtres chez nous» et de sa victoire électorale sur le thème de la nationalisation de l'électricité, porte le combat vers Ottawa. Il exige du premier ministre Pearson, minoritaire et conciliant, qu'Ottawa remette au Québec 25 % de l'impôt sur le revenu des particuliers, 25% de l'impôt sur les sociétés et 100% des droits successoraux.

Ébranlé par les coups de poing colériques de Jean Lesage, Lester B. Pearson finira par faire d'énormes concessions à l'égard des programmes conjoints et du régime universel de retraite. Pour une courte période, le Canada penchera vers la décentralisation.

Les personnages politiques fédéralistes (notamment Paul Gérin-Lajoie) envisageront toutes sortes de formules: statut particulier, États associés. Même Daniel Johnson, arrivé au pouvoir en 1966 et prolongeant (contre toutes prédictions) la Révolution tranquille, remettra directement en cause la Constitution du Canada en lançant son livre manifeste Égalité ou indépendance. Son gouvernement favorisera la tenue, en novembre 1967, des États généraux du Canada français, qui réuniront 2500 délégués.

On n'a pas craint, au cours de cette décennie, d'aborder les enjeux constitutionnels de front. Aujourd'hui, toute une mouvance de centre-droit voudrait qu'on mette en veilleuse les questions touchant l'avenir du Québec pour régler «nos problèmes», traiter des «vraies affaires». Proposition absurde. Le fait que le Québec se soit fait imposer une constitution qu'il n'a pas signée reste l'un des problèmes qui conservent toute leur actualité. De nouveaux irritants ne manqueront pas de nous le rappeler au quotidien.

Cette septième de huit conférences sera prononcée par Marc Laurendeau le mardi 9 novembre à 19h30 à l'Auditorium de la Grande Bibliothèque dans le cadre de la série La Révolution tranquille - 50 ans d'héritages, présentée jusqu'en décembre 2010 par l'Université du Québec à Montréal et par Bibliothèque et Archives nationales du Québec.