Mardi, les Américains votent pour reconduire ou remplacer toute la Chambre des représentants et un tiers du Sénat.

Mardi, les Américains votent pour reconduire ou remplacer toute la Chambre des représentants et un tiers du Sénat.

Selon toute vraisemblance, les démocrates et Barack Obama peuvent dire au revoir à la majorité qu'ils détiennent à la Chambre. Le président Obama subira un sort semblable à celui de Bill Clinton en 1994. Son parti devrait perdre le contrôle de la Chambre des représentants et préserver une faible majorité au Sénat qui le rendra vulnérable à la moindre tactique de blocage. Ce cuisant revers obligera Obama à transiger avec un «parti du non», une situation qui lui rappellera quotidiennement le sens d'une expression qu'on connaît bien chez nous: «Y en aura pas de facile.»

Pourquoi les démocrates en sont-ils rendus là, à peine deux ans après la vague d'espoir et de renouveau qui les a portés au pouvoir en 2008? Évidemment, c'est la reprise anémique de l'économie américaine qui figure en tête de liste des facteurs expliquant ce revers de fortune. Mais elle n'est pas le seul élément en jeu.

En fait, les prévisions qui ne tiennent compte que des éléments fondamentaux de la conjoncture sont les seules qui accordent quelque chance de victoire aux démocrates. Les modèles fondés sur les attitudes des électeurs face au président, au Congrès et aux partis politiques, ou encore sur les taux de participation aux primaires, font nettement pencher la balance en faveur des républicains. C'est ce que disent également les sondages nationaux et locaux.

Ces tendances illustrent la baisse significative de la confiance envers le président. Pendant les premiers six mois de son mandat, le taux d'approbation de la performance du président, qui est le principal baromètre de la confiance populaire, était excellent. Même au plus fort de la controverse sur son projet de réforme de l'assurance santé, adopté en mars dernier, les sondages lui restaient favorables.

Depuis ce temps, toutefois, l'opinion publique demeure très partagée, et les taux d'approbation et de désapprobation de sa performance s'entrecroisent allègrement. Ce qui inquiète le plus les démocrates, c'est que l'opposition au président et à son programme législatif se radicalise sans cesse, alors que ses appuis restent plutôt tièdes. On est bien loin de la ferveur qui s'était emparée de la base électorale du Parti démocrate en 2008, alors que la voile du navire républicain avait peine à se défroisser.

L'opinion des Américains sur le sauvetage du secteur financier et sur le plan de relance de l'économie, dont la responsabilité est largement partagée par les deux partis, est à cet égard des plus éloquentes. Quelle que soit la question posée sur n'importe quel aspect de ces politiques, il est très difficile de trouver une majorité d'Américains qui croient que ces politiques, qui ont englouti des sommes colossales, aient eu quelque effet positif que ce soit. Dans un tel contexte, on peut comprendre pourquoi la stratégie d'opposition des républicains à toute initiative de l'administration Obama qui entraîne quelque dépense que ce soit trouve une oreille réceptive chez un public en colère.

Parmi les scénarios qui pourraient renverser la tendance, les démocrates fondent de grands espoirs sur la distance de plus en plus grande qui semble séparer le centre de gravité du Parti républicain des préférences modérées de l'électeur américain médian. La présence de candidats extrémistes du Tea Party, à l'avant-scène de la campagne, pourrait déplaire suffisamment aux modérés pour les convaincre de reconsidérer le jugement sévère qu'ils portent sur le fonctionnement du Congrès actuel.

L'essor de ce mouvement radical au sein du Parti républicain a contribué à accélérer une polarisation partisane déjà passablement avancée, alors que ses membres ont fait campagne à la fois contre les démocrates et contre ceux, parmi les républicains, qui sont perçus comme inféodés au pouvoir de Washington.

Le problème, pour le moment, est que la base conservatrice du Parti républicain est beaucoup plus motivée à voter que la plupart des modérés. Si ces derniers décident en masse de ne pas se présenter aux bureaux de scrutin, les démocrates seront dans un sérieux pétrin.

Il est trop facile pour les observateurs étrangers que nous sommes d'attribuer la sévérité de l'opinion américaine envers son premier président noir à l'intolérance raciale, même si le ton de certaines manifestations contre Barack Obama laisse planer peu de doutes sur la présence d'une frange raciste et intolérante dans la droite américaine.

Au-delà de cette minorité de moins en moins silencieuse et de plus en plus inquiétante, gonflée à bloc par des vedettes médiatiques qui carburent au dogmatisme, il faut reconnaître un malaise plus répandu face à la classe dirigeante.

Les Américains sont par nature peu enclins à accorder une grande confiance à leur gouvernement central, mais les degrés actuels de confiance à l'endroit de Washington sont révélateurs de la grogne qui s'est installée dans l'électorat tout au long de l'administration de George W. Bush et qui persiste depuis l'élection de Barack Obama.

Pour l'emporter, les démocrates doivent renverser une tendance bien enclenchée en faveur de leurs adversaires et se réapproprier le vote des électeurs en colère de la classe moyenne en misant sur leurs politiques économiques et fiscales.

C'est possible, mais la tâche est énorme et il est peu probable que les efforts de dernière minute du président Obama pour raviver la flamme du mouvement qui l'a porté au pouvoir ait porté les fruits escomptés. Les élections de mi-mandat aux États-Unis sont souvent ennuyeuses mais, cette fois-ci, on risque de veiller tard le premier mardi soir de novembre.