À lire les commentaires dans les médias, on croirait que le Globe & Mail en particulier et les médias en général ont remporté une «grande victoire». Les nuances et la modération n'étaient clairement pas au rendez-vous pour tous.

À lire les commentaires dans les médias, on croirait que le Globe & Mail en particulier et les médias en général ont remporté une «grande victoire». Les nuances et la modération n'étaient clairement pas au rendez-vous pour tous.

Un test existait déjà en common law depuis plusieurs années. Mais qu'en était-il en droit civil québécois? Nous avons maintenant la réponse. Ce sera essentiellement le même test.

Revenons à cette «grande victoire». Qu'en est-il vraiment? Cette bataille était fondamentalement une tentative par les médias d'obtenir des droits beaucoup plus étendus qu'auparavant. La Cour a refusé. Ainsi, les médias ont plaidé le secret professionnel. Ils ont perdu. Les médias ont plaidé la protection constitutionnelle. Ils ont perdu. Les médias ont plaidé le renversement du fardeau de la preuve en leur faveur. Ils ont perdu.

Groupe Polygone a plaidé pour le maintien d'un test de balance des intérêts en cause, au cas par cas (du même type que celui qui existait en common law ou modifié pour tenir compte de la spécificité du droit civil). La Cour suprême a retenu le test du cas par cas.

Sur un autre sujet, remettons les pendules à l'heure. Un paragraphe très important de la décision de la Cour suprême semble avoir été oublié. La Cour dit, au paragraphe 69 M. (Daniel) Leblanc ne pourrait refuser de répondre à une question capable d'étayer significativement la défense de prescription du Groupe Polygone et qui ne révélerait pas l'identité de MaChouette. (...) Ce n'est que dans le cas où la réponse de M. Leblanc risquerait réellement de divulguer l'identité de MaChouette que le juge devrait se demander, après avoir analysé les considérations pertinentes, si la balance des intérêts penche en faveur du privilège plutôt que de la divulgation.  

Contrairement à ce qui a été abondamment véhiculé dans les médias, aucune des questions posées au journaliste Daniel Leblanc ne lui demandait, à ce stade des procédures, de révéler l'identité de MaChouette.  

Ces questions étaient généralement de nature préliminaire dont l'une était de savoir si MaChouette avait travaillé ou travaillait au sein de l'appareil gouvernemental et, le cas échéant, dans quel ministère. Comme le dit la Cour suprême, cela tend-il à révéler «réellement» son identité? Sinon, pour de telles questions, la Cour dit qu'il n'est pas nécessaire d'appliquer le test.

Le juge de première instance pourrait donc en arriver à la même décision. On verra. Il ne serait pas convenable de plaider la suite dans les médias. Mais de dire que le juge de première instance a mal décidé sur les questions telles que posées est prématuré. La Cour a dit que l'exercice doit être refait avec le bénéfice du test maintenant confirmé. Qu'il soit nécessaire d'entendre plus de preuve, soit. Mais la Cour n'exclut aucunement que M. Leblanc soit tenu de répondre aux questions et que sa source soit identifiée (peut-être avec des mécanismes de protection pour qu'elle le soit uniquement aux fins du débat judiciaire et non publiquement).