Le prix Nobel décerné au dissident Liu Xiaobo a mis un coup de projecteur sur le système politique chinois, éclairant un débat sur son évolution qui semblait éclipsé ces derniers temps par les succès économiques, mais qui n'est manifestement pas clos en Chine même.

Le prix Nobel décerné au dissident Liu Xiaobo a mis un coup de projecteur sur le système politique chinois, éclairant un débat sur son évolution qui semblait éclipsé ces derniers temps par les succès économiques, mais qui n'est manifestement pas clos en Chine même.

En août dernier, le premier ministre Wen Jiabao a déclaré, lors d'un déplacement à Shenzhen, berceau des réformes et de l'ouverture économiques, que l'absence de réforme politique mettait en péril les bénéfices de la croissance économique. En octobre, il a encore affirmé: «L'aspiration à la démocratie est irrésistible.» Plus récemment, un groupe d'anciens responsables du Parti communiste ont signé une pétition réclamant la liberté d'expression et de la presse.  

Il serait erroné d'interpréter les propos du premier ministre comme un écho aux revendications des intellectuels libéraux du mouvement pour la démocratie. Ils relèvent sans doute d'un souci tactique de désamorcer l'insatisfaction des partisans d'une libéralisation politique au sein des élites du pouvoir. En outre, dans la rhétorique des dirigeants communistes, le terme de «réforme politique» renvoie souvent simplement à celle des procédures de fonctionnement internes au parti.

Depuis trois décennies, le Parti communiste chinois a fait preuve d'une remarquable adaptation au changement, de sa capacité à coopter des élites (entrepreneurs, intellectuels) et à maintenir la stabilité sociale. Pourtant, il y a aussi, en Chine, une prise de conscience assez générale des dysfonctionnements du système sociopolitique. De multiples enquêtes et rapports mettent en évidence la corruption, les détournements de fonds, les abus et les gaspillages ; ils soulignent que l'absence de contrôle démocratique et de contrepouvoir, la carence de l'état de droit, laissent le champ libre à ces pratiques. De nombreux scandales (accidents du travail, pollution, aliments contaminés) montrent un écart flagrant entre les prouesses économiques du pays et l'impuissance de l'appareil gouvernemental à faire respecter les normes et les réglementations.

Actuellement, l'obstacle majeur à la mise en oeuvre des programmes d'amélioration des systèmes d'éducation, de santé et de protection sociale réside dans le mode de fonctionnement de l'appareil administratif à tous les niveaux. Face au désengagement de l'État dans les années 1980 et 1990, les services publics ont compensé le recul des dotations budgétaires par la recherche d'autres gains, des stratégies désormais bien ancrées et résistantes au changement.

L'érosion de la capacité du pouvoir à conduire les transformations économiques et sociales constitue un danger pour la poursuite du développement à long terme. La réforme des services publics et surtout la réorganisation des relations budgétaires entre les différents échelons du gouvernement, de manière à améliorer l'information et à clarifier les responsabilités, sont à la fois nécessaires et extrêmement difficiles.  

Si la modernisation économique est sur la bonne voie, celle de l'appareil d'État n'a pas commencé. Est-elle en retard, en raison des modalités de la transition chinoise, ou dans l'impasse? La réponse ne sera pas donnée par les dirigeants actuels, mais par la génération qui lui succédera à la tête du parti et de l'État en 2012-2013.