Le 14 décembre 2006, le gouvernement du Québec annonçait avec fierté l'adoption d'une loi qui institutionnalisait une refonte majeure des pratiques de gouvernance de nos sociétés d'État. Parmi les changements mis de l'avant, l'un des plus importants est celui exigeant que les conseils d'administration soient composés aux deux tiers d'administrateurs «indépendants». Un membre se qualifie comme tel s'il n'a pas, de manière directe ou indirecte, de relations ou d'intérêts, par exemple de nature financière, commerciale, professionnelle ou philanthropique, susceptibles de nuire à la qualité de ses décisions eu égard aux intérêts de la société.

Le 14 décembre 2006, le gouvernement du Québec annonçait avec fierté l'adoption d'une loi qui institutionnalisait une refonte majeure des pratiques de gouvernance de nos sociétés d'État. Parmi les changements mis de l'avant, l'un des plus importants est celui exigeant que les conseils d'administration soient composés aux deux tiers d'administrateurs «indépendants». Un membre se qualifie comme tel s'il n'a pas, de manière directe ou indirecte, de relations ou d'intérêts, par exemple de nature financière, commerciale, professionnelle ou philanthropique, susceptibles de nuire à la qualité de ses décisions eu égard aux intérêts de la société.

Or, les récents propos de Charles Rondeau et de Chantal Landry à la commission Bastarache, de même que les articles de journaux rapportant qu'un nombre important d'administrateurs d'allégeance libérale siègent au sein des conseils d'administration de sociétés d'État, nous obligent à questionner cette notion même d'indépendance. Bien qu'il s'agisse d'un des devoirs du comité de gouvernance de la société d'État d'établir les profils de compétence et d'expérience recherchés, il revient au gouvernement de nommer les administrateurs.

Le fait qu'un candidat à un poste d'administrateur ou de dirigeant ait contribué 400$ à un parti politique ne devrait pas lui faire perdre son indépendance. Donner à un parti politique n'est pas une maladie, c'est un geste démocratique et noble qu'il ne faut pas remettre en question. Il faut arrêter d'associer systématiquement contribution à corruption. Personne ne voudra dorénavant contribuer si l'on voit de mauvaises intentions partout.

Favoriser systématiquement et en grand nombre des candidats sur la base de leur allégeance peut paraître discriminatoire au sens de la Charte des droits et libertés (article 10) et constitue un manque flagrant d'équité envers les candidats d'une autre allégeance. Imaginez un parti politique qui demeure au pouvoir pendant 12 ans, cela impliquerait que toute une génération d'excellents candidats serait sacrifiée et n'aurait aucune chance de siéger sur nos sociétés d'État parce qu'ils ne sont pas du «bon bord». Est-il acceptable et souhaitable d'un point de vue démocratique que 70% ou 80% de nos administrateurs et dirigeants de sociétés d'État soient de la même allégeance politique?

On assiste souvent à un raz de marée de nouveaux administrateurs et dirigeants lors d'un changement de gouvernement. Ces nominations massives ne jouent pas sur l'indépendance individuelle des administrateurs, mais sur la légitimité du processus de nomination au niveau du gouvernement. Voulez-vous d'une autre commission d'enquête sur le processus de nomination des administrateurs et dirigeants de nos sociétés d'État?

Le plus inquiétant est le lien entre les collecteurs et les administrateurs et dirigeants de sociétés d'État. Il est pour le moins préoccupant d'apprendre que Charles Rondeau et Franco Fava rencontraient aussi souvent Mme Landry, Gérard Bibeau et peut-être d'autres membres du gouvernement pour discuter de ces nominations. Ce sont ces mêmes administrateurs et dirigeants qui approuveront les grands projets et par la suite donneront les contrats à des entreprises. Favoriseront-ils les entreprises évoluant dans l'entourage des collecteurs qui ont appuyé leurs nominations? Existent-ils des «I owe you» (retours d'ascenseurs) entre ces candidats et les collecteurs? On peut se poser la question si ces administrateurs sont véritablement «indépendants» en regard d'intérêts externes à leur fonction.

Après avoir été alarmiste, je désire tout de même être rassurant. Au cours des dernières années, j'ai eu l'opportunité de travailler avec plusieurs administrateurs et dirigeants de sociétés d'État et heureusement ceux-ci sont pour la plupart compétents et droits. La qualité des conseils d'administration a beaucoup augmenté depuis cinq ans. Toutefois, en favorisant ce torrent de nominations partisanes, nous augmentons le risque d'avoir quelques pommes pourries dans nos sociétés d'État. Allons-nous tolérer encore longtemps que les collecteurs jouent d'autres rôles que celui de collecter? Le gouvernement dispose de gens compétents pour mettre en place des mécanismes de sélection de candidats de qualité et souhaitons-le «indépendants».