Le cancer du poumon, qui affecte un nombre important de mes patients, est la forme la plus meurtrière de la maladie et constitue la première cause de décès par cancer au Québec. Paradoxalement, il n'en est que très peu question lorsque l'on parle de cancer.

Le cancer du poumon, qui affecte un nombre important de mes patients, est la forme la plus meurtrière de la maladie et constitue la première cause de décès par cancer au Québec. Paradoxalement, il n'en est que très peu question lorsque l'on parle de cancer.

Une des principales raisons qui expliquent cet état de choses vient du fait que les gens associent le cancer du poumon à la consommation de produits du tabac. Pourtant, le tabagisme n'est pas le seul élément en cause : la fumée secondaire ou tertiaire, le radon, l'exposition à l'amiante sont autant de facteurs associés à l'apparition du cancer du poumon.

On reconnaît maintenant que près du quart des cancers pulmonaires ne sont pas liés au tabagisme, nécessitant un raffinement dans l'évaluation et des traitements spécifiques. Mais les préjugés défavorables liés au tabagisme contribuent à faire des personnes atteintes de cancers pulmonaires des victimes qui ont en quelque sorte «choisi leur sort».

Plusieurs groupes de support ont permis une meilleure visibilité de certains types de cancers (sein, prostate). La mobilisation des patients atteints et de la communauté a permis de sensibiliser une large partie de la population à la valeur humaine des interventions médicales permettant d'améliorer la survie des patients atteints ainsi que d'améliorer leur qualité de vie. Le côté positif des cancers du sein et de la prostate est un pronostic moins sévère que le cancer pulmonaire, permettant à plusieurs « survivants » de défendre les droits et de supporter des associations de patients atteints. La dure réalité du cancer pulmonaire est que cette maladie rend très malade sans grande période d'avertissement et que le pronostic de la maladie est sévère. Très peu de survivants sont donc en mesure de participer à des associations de support.

À cet égard, un exemple s'impose: l'accès aux nouveaux médicaments est devenu en quelques années à peine un enjeu majeur dont les effets se répercutent sur la qualité des soins dispensés chez nous. Dans un passé encore récent, le Québec était l'une des provinces qui se distinguait en matière d'accès aux nouveaux médicaments. Depuis la fin de 2005, notre statut est beaucoup moins reluisant.

En ne considérant que les seuls médicaments anticancéreux, la situation est encore pire : l'entité responsable de l'approbation du remboursement des médicaments - le Conseil du médicament - refuse aujourd'hui presque systématiquement les demandes de nouveaux traitements en oncologie. Contrairement à plusieurs autres provinces au Canada où les décisions relatives au financement des médicaments contre le cancer sont prises par une agence de lutte contre le cancer, aucun membre du Conseil n'a une formation et une pratique active en oncologie. Il est difficile de reconnaître la valeur thérapeutique d'un médicament qui ne fait que prolonger la survie que de «quelques mois» lorsque le patient n'est pas face à soi.

Dans mon quotidien, cette situation me pose de graves problèmes éthiques : nous savons qu'il existe des médicaments plus efficaces et plus faciles à tolérer pour les patients, mais nous ne pouvons y avoir recours. Devons-nous cacher ce fait au patient ou plutôt lui expliquer qu'un autre médicament plus efficace existe mais qu'au Québec, nous ne pouvons pas le prescrire? Pendant que nous, médecins, réfléchissons à l'éthique, nos patients doivent combattre la maladie dans des conditions qui sont loin d'être optimales. Si la vie a un prix au Québec, qu'on le dise ouvertement et publiquement. Dans le cas contraire, il faut revoir le système actuel d'accès aux nouveaux médicaments, car il ne répond plus aux besoins de ceux qui souffrent.

Aussi dérangeants soient-ils, il est essentiel d'évoquer ces enjeux et d'en débattre publiquement. Les solutions ne seront certainement pas simples; les décisions risquent d'être déchirantes. Mais c'est là le passage obligé pour améliorer nos façons de faire et, ultimement, fournir de meilleurs soins aux Québécois aux prises avec un cancer.