Mon fils, François-Julien, âgé de 19 ans, était du nombre des personnes arrêtées lors du G20 à Toronto.

Mon fils, François-Julien, âgé de 19 ans, était du nombre des personnes arrêtées lors du G20 à Toronto.

Il n'a rien du casseur type, ces gens que l'on voit parfois à la télévision fracassant une vitrine d'un marchand un peu trop capitaliste à leur goût.

Il n'a rien non plus de l'image que se font certains des revendicateurs et éternels insatisfaits de la société.

Non, rien de tout cela. C'est un jeune homme, pacifiste jusqu'au bout des ongles, coopérant volontaire dans son plus jeune âge, travailleur auprès des jeunes l'été, étudiant sérieux à l'université et souhaitant un monde un peu meilleur pour tout le monde. Comme nous l'avons tous souhaité un jour.

Il était de ceux qui allaient manifester pacifiquement, pour tous les autres qui ne le pouvaient pas. Il ne voulait pas changer le monde du tout au tout, il voulait simplement exprimer son désaccord face à ce que les grands de ce monde décidaient, il voulait plaider pour l'environnement, la justice. Un droit que lui donne, pensait-il, la démocratie au Canada.

Mon fils, hémophile, n'a pas résisté à son arrestation en pleine nuit à l'Université de Toronto, se disant que tout serait terminé le lendemain matin.

On l'a embarqué sans ménagement. On lui a confisqué ses biens. On lui a retiré ses chaussures et son t-shirt. On l'a jeté en cellule avec cinq autres personnes, un seul lit en métal, sans couverture, lumières toutes allumées 24 heures sur 24, air conditionné au maximum. On l'a interrogé pendant trois jours à toute heure du jour et de la nuit, tel un dangereux criminel. Les policiers ont refusé de s'identifier malgré le fait qu'ils y étaient obligés par les lois canadiennes. Il n'a pu parler à un avocat qu'au bout du troisième jour et, la nuit suivante, avant d'avoir pu rencontrer son avocat, on le foutait dehors, sans papier, sans argent, sans ses effets personnels, avec 24 heures pour quitter la province. Comme ses copains d'infortune, il a protesté et demandé à ce qu'on leur rende leurs papiers et argents. La réponse a été toute simple: «Tu décampes ou on te remet en dedans.»

Au Québec pendant ce temps, je recevais un appel de la police de Toronto me mentionnant qu'il avait été arrêté. On ne savait pas où il était emprisonné, on ignorait son état de santé. Il a pu me joindre par téléphone et, grâce à des gens qui étaient restés sur place en appui aux victimes des arrestations, il a pu rentrer au Québec.

Je l'ai récupéré au petit matin à une station de métro à Montréal. Il était en colère, il était totalement épuisé, il était désabusé. Mon fils a eu peur, terriblement peur et sa vision du monde en sera à jamais changée.

Je vous épargne la journée rocambolesque du 23 août où nous apprenions en cour à Toronto qu'il n'y avait encore aucune preuve justifiant son arrestation. Rien.

Jamais plus mon fils ne pourra regarder un policier de la même façon. Jamais. On ne peut plus lui parler de démocratie sans voir chez lui un dégoût profond.

Il s'en remettra parce qu'il est fort de caractère et désireux, malgré tout, d'améliorer un peu le monde.

Il aura appris beaucoup de cette aventure. Il aura appris entre autres que toutes les histoires de ses parents à propos de la nécessité d'agir en respectant les lois, eh bien c'est de la foutaise. Parce que les policiers à Toronto, eux, ils n'ont pas été «élevés» comme ça. Plus jamais il ne pourra respecter le pouvoir établi, parce que ce même pouvoir s'est moqué de lui. Et il se moque encore en niant les allégations de ceux qui ont été arrêtés. Mon fils n'a rien inventé... il a vécu l'enfer.

Des excuses ne changeront pas grand-chose. Des démissions aideraient peut-être. To serve and protect? Mais qui au juste?