Le pari était osé. On mesure l'ascendant du président Luiz Inacio Lula da Silva sur son parti quand, à la surprise de tous, il a annoncé fin 2008 que Dilma Roussef, une technocrate jamais élue, serait la candidate du Parti des travailleurs (PT) à l'élection présidentielle de l'automne 2010.

Le pari était osé. On mesure l'ascendant du président Luiz Inacio Lula da Silva sur son parti quand, à la surprise de tous, il a annoncé fin 2008 que Dilma Roussef, une technocrate jamais élue, serait la candidate du Parti des travailleurs (PT) à l'élection présidentielle de l'automne 2010.

Ancienne militante, emprisonnée par la dictature militaire (1964-1985) pour sa participation à la lutte armée, Dilma Roussef n'a rejoint le PT qu'en 2000. Elle occupait à Brasília, au sein du cabinet, les fonctions de chef de la maison civile. Administratrice compétente mais inconnue du public, elle faisait face à José Serra, le gouverneur de l'État de São Paulo, qui s'était illustré comme ministre fédéral de la Santé. Conséquent pour la cause, généreux de sa personne, et surtout parce que Dilma n'a pas sa propre lumière, Lula, tout charme et charisme déployé, a fait la campagne de sa candidate.

Lula aura tenu sa promesse de «gouverner pour tous». Après huit ans de présidence, le Brésil est aujourd'hui plus riche et la pauvreté recule. Pas étonnant que près de 47% des électeurs aient voté dimanche pour répéter la «dose» et appuyé Dilma, contre 33% pour Serra et 19% pour les Verts de Marina Silva, une dissidente du PT. Le second tour du 31 octobre ne sera qu'une formalité pour que Dilma Roussef soit élue première femme présidente du Brésil.

Lula a fait fructifier l'héritage de son prédécesseur, Fernando Henrique Cardoso (1995-2002). Il a poursuivi la gestion monétaire orthodoxe, amplifié les programmes de redistribution destinés aux plus pauvres et lutté contre l'évasion fiscale. De Cancún à Copenhague et jusqu'à Téhéran, il a projeté la diplomatie brésilienne au premier plan des grandes instances de la gouvernance internationale. La croissance a été favorisée par la hausse des prix et la demande exceptionnelle pour les exportations de matières premières et de produits agricoles.

L'extrême pauvreté régresse. Contre allocations, les familles qui bénéficient de la «bourse famille» (12,5 millions de foyers soit 40 millions de personnes) doivent faire vacciner leurs enfants et les envoyer à l'école, les femmes enceintes doivent se présenter régulièrement à des examens médicaux. Résultat, la malnutrition infantile a diminué de moitié et la durée moyenne de scolarisation a augmenté de plus de deux ans. Les plus riches profitent des taux d'intérêt avantageux (10% en moyenne pour 2010) des titres de la dette. Le pouvoir d'achat en hausse pousse la construction immobilière et la consommation des ménages. Les grandes entreprises reçoivent des prêts à taux préférentiels de la Banque nationale de développement économique et social.

Tout le monde est content, ou presque. À gauche comme à droite, on déplore la lenteur et l'insuffisance des réformes. Les paysans sans terre attendent encore la réforme agraire promise. Les écologistes s'inquiètent de l'inaction gouvernementale alors que les OGM s'approprient les cultures. Le patronat s'impatiente du «coût Brésil» causé par l'extrême lourdeur de l'appareil bureaucratique, la complexité du régime fiscal et l'insuffisance des infrastructures, particulièrement en énergie et dans les transports.

La présidente élue voudra s'affirmer et ne pas gouverner à l'ombre de Lula. Minoritaire dans les deux assemblées du Congrès, elle devra satisfaire les partis de sa coalition et tout particulièrement son allié principal le Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB). Déjà ce parti, plus opportuniste qu'idéologique, a fait connaître ses attentes dans le partage des postes à tous les échelons de l'administration. Ce qui a été dit de Cardoso et de Lula se répétera pour Dilma; elle devra, pour gouverner, pactiser avec les conservateurs.