Si l'on ne vous a jamais expliqué d'où viennent les innovations médicales qui augmentent les coûts de notre système de soins, ne soyez pas surpris. Même ceux qui décident des investissements publics et privés en recherche et développement (R-D) ne semblent pas établir de liens entre les choix qu'ils font en faveur de certains créneaux technologiques et leurs impacts sur les services de santé.

Si l'on ne vous a jamais expliqué d'où viennent les innovations médicales qui augmentent les coûts de notre système de soins, ne soyez pas surpris. Même ceux qui décident des investissements publics et privés en recherche et développement (R-D) ne semblent pas établir de liens entre les choix qu'ils font en faveur de certains créneaux technologiques et leurs impacts sur les services de santé.

Alors que des avancées technologiques ont permis de réaliser des gains importants en médecine, celles-ci nuisent souvent à la pérennité des systèmes de santé. Ceci n'est pas seulement dû aux coûts, mais aussi à l'effet cumulatif des innovations qui « poussent » dans toutes les spécialités médicales. De plus, certaines technologies, comme l'hémodialyse, ne résolvent pas entièrement le problème pour lequel elles ont été conçues.

En fait, plusieurs innovations ne semblent adaptées ni aux défis actuels des systèmes de soins, ni aux besoins de la population. Un constat troublant étant donné que nos politiques et fonds publics ont contribué à leur émergence.

Par exemple, les promoteurs des biotechnologies font valoir l'idée qu'une « médecine personnalisée » pourrait s'appuyer sur le profil génétique des individus afin de mieux prescrire certains médicaments ou d'estimer leurs probabilités d'être affectés par une maladie. Selon Statistique Canada, les dépenses de R-D des firmes privées oeuvrant dans le domaine des biotechnologies ont triplé de 1997 à 2001 pour atteindre 1,3 milliard de dollars. Dans ce domaine, les entreprises dont les activités se consacrent à la santé humaine occupent une place très importante, étant responsables de 92 % des dépenses de R-D. Or, seules 58 % de ces entreprises ont généré des revenus en 2001. Comment se fait-il que des experts aient choisi d'investir là et non ailleurs ? Et comment cette médecine personnalisée s'intégrera-t-elle à notre système de soins ?

Cette question intéresse peu les investisseurs et ceux qui développent les politiques de soutien à l'innovation. Le pari est qu'une petite partie de ces entreprises généreront des retours sur investissements faramineux. En 2001, les 115 entreprises oeuvrant en santé humaine ont généré près de 2,5 milliards, soit 71 % de tous les revenus de la biotechnologie. Comment les contribuables bénéficient-ils d'un tel pari commercial ?

Lorsque 60 % des faillites personnelles aux États-Unis sont dues au fait que des individus ne réussissent pas à payer la facture de leurs soins de santé, même si les trois quarts d'entre eux détiennent une assurance, nous devons reconnaître que le problème dépasse largement la question de la capacité de payer des systèmes de soins publics. Ce sont les innovations elles-mêmes qu'il faut reconsidérer. Et pointer du doigt le secteur privé n'est pas suffisant puisqu'une grande partie de la R-D en santé est financée et exécutée par des organismes publics.

Jusqu'à maintenant, les activités de R-D des pays développés ont favorisé le développement d'innovations qui sont plus coûteuses (par exemple, les équipements d'imagerie), qui accroissent la dépendance des patients envers l'expertise médicale et qui tendent à concentrer les ressources dans les hôpitaux spécialisés des grands centres urbains.

Cette tendance n'est pas irréversible. Concevoir autrement les innovations permettrait de relever des défis importants tels qu'assurer l'équité, l'accessibilité et la pérennité des services de santé et d'agir plus globalement sur les déterminants de la santé. Des innovations favorisant l'autonomie des patients permettraient de répondre plus adéquatement aux maladies chroniques et au vieillissement de la population.