De tout temps, les moeurs politiques du Québec ont été élastiques.

De tout temps, les moeurs politiques du Québec ont été élastiques.

Les gens de ma génération se souviendront de Gérald Martineau, le grand argentier de l'Union nationale sous Duplessis, à qui les fournisseurs de biens et de services devaient remettre un pourcentage de chaque contrat pour être en mesure de faire affaire avec le gouvernement.

Et, au moment des élections, ce même gouvernement ne se gênait pas pour offrir jusqu'à des réfrigérateurs pour acheter le vote de certains électeurs ruraux. Les récompenses politiques englobaient toutes les sphères de la société. Même les employés de la SAQ qui avaient perdu leurs élections devaient céder leur place à ceux qui les avaient gagnées.

La population en général ne s'offusquait pas outre mesure de ce qui était considéré comme normal à l'époque.

Il a fallu la Révolution tranquille pour mettre fin à ce que l'histoire appelle aujourd'hui la Grande noirceur. Lentement mais sûrement, le Québec a modifié ses lois sur le financement des partis politiques, passant de ce qu'il y avait de pire à ce qu'il y avait de mieux au Canada.

Mais, tout comme pour les lois sur l'impôt, il y aura toujours des individus ou des entreprises qui réussiront à trouver des failles dans les lois concernant le financement des partis politiques. Le principe est assez simple: tout ce qui n'est pas expressément défendu par la loi est automatiquement permis.

Cela ne veut pas dire qu'on doit jeter le bébé avec l'eau du bain tout simplement parce que certains ont réussi à tirer avantage du système en place. On en est rendu aujourd'hui à considérer comme un voleur toute personne qui ose donner à un parti politique alors que c'est là une des expressions fondamentales d'une société démocratique. Dernièrement, on a vu de nombreux cas de financement douteux impliquant des entreprises qui donnent par l'intermédiaire d'individus, de façon à contourner l'esprit de la loi. Les exceptions sont alors perçues comme la règle générale dans la tête des gens.

On a tout mis dans la même boîte. Si une entreprise recevait un contrat du gouvernement, quelqu'un déterrait le fait qu'un des dirigeants avait donné à tel parti politique plusieurs années auparavant. Si un avocat recevait un mandat du gouvernement ou faisait l'objet d'une nomination, tout ce qu'il avait pu donner à des partis politiques était étalé sur la place publique.

Donner à un parti politique est alors devenu un crime de lèse-majesté avec la conséquence qu'aujourd'hui, il n'y a plus personne qui veuille donner à quelque parti que ce soit de peur que son nom ne se retrouve éventuellement sur la place publique.

Parlez-en à n'importe quel avocat ou ingénieur en ville et vous aurez la même réponse: «Je ne donne plus un sou à quelque parti politique que ce soit, car je ne veux pas passer pour un criminel.» Parlez-en également à des dirigeants de partis politiques et tous vous diront sans ambiguïté que l'argent n'entre plus. C'est ce que j'appelle les dommages collatéraux de la publicité excessive sur des cas de financement parfois illégal.

Un parti politique est comme une entreprise. Il a besoin d'argent pour payer ses employés et financer ses opérations courantes. Les lois sur le financement des partis politiques votées au cours des dernières 50 années avaient pour but d'éliminer l'argent «sale» tout en permettant aux différents partis politiques de pouvoir amasser des fonds en toute légalité, sans cachette aucune.

Mais si le financement légal est maintenant perçu comme «sale», comment les partis politiques pourront-ils se financer à l'avenir? Certains diront que le financement public est la seule solution. Ce serait une erreur, car cela signifierait l'abdication d'un droit fondamental en démocratie, à savoir celui de tout citoyen de pouvoir exprimer sa vision de la société en aidant au financement d'un parti politique qui reflète ses opinions politiques.

Les lois actuelles doivent être renforcées pour éviter les abus, mais cessons de démoniser le fait de donner à un parti politique.