Le geste que s'apprête à poser le maire Gérald Tremblay dans le dossier de l'ancienne maison mère des Soeurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie marquera un jour sombre non seulement pour les défenseurs de cet édifice patrimonial, mais aussi pour tout le Québec. Il consacrera, une fois de plus, le triomphe de la finance et des jeux de coulisses sur la démocratie. Nous nageons en plein «duplessisme».

Le geste que s'apprête à poser le maire Gérald Tremblay dans le dossier de l'ancienne maison mère des Soeurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie marquera un jour sombre non seulement pour les défenseurs de cet édifice patrimonial, mais aussi pour tout le Québec. Il consacrera, une fois de plus, le triomphe de la finance et des jeux de coulisses sur la démocratie. Nous nageons en plein «duplessisme».

L'Université de Montréal avait acquis l'édifice à bon compte et elle avait l'obligation morale de lui conserver sa vocation institutionnelle, d'autant plus qu'il est situé dans l'arrondissement naturel et historique du mont Royal. Or, l'Université a plutôt choisi de le jeter en pâture au promoteur Catania qui entend le transformer en luxueux condos, avec la complaisante collaboration du maire de Montréal.

Depuis près de deux ans, un groupe de citoyens, librement engagés dans leur milieu, se sont massivement et vigoureusement opposés à cette odieuse transaction; en outre, les partis de l'opposition à l'hôtel de ville ont appuyé leur action en ce sens. En dépit de ces faits, le maire est parvenu, en mars dernier, à modifier le zonage et le plan d'urbanisme régissant et protégeant jusque-là l'immeuble en question.

Néanmoins, les opposants au projet de Catania n'ont pas baissé les bras: ils ont choisi de poursuivre la lutte par la seule voie qui leur restait, celle d'un référendum portant sur des aspects majeurs du projet. C'est l'administration Tremblay qui en a fixé les règles: il fallait d'abord obtenir la signature de 125 citoyens parmi les quelques privilégiés résidant à proximité du bâtiment; en second lieu, il s'imposait que 224 citoyens, appartenant à la zone définie à la première étape, aillent signer un registre demandant la tenue du référendum. (Pour nous faciliter la tâche, sans doute, monsieur le maire a fixé au 22 juin l'ouverture du registre, alors que de nombreux citadins ont quitté la ville pour leurs vacances.)

Malgré cela, 278 personnes, soit plus de 13% des citoyens habilités à voter, se sont présentées pour signer la demande de référendum, lequel devait être tenu avant le 14 octobre.

Et voilà que nous apprenons ces jours-ci que M. Tremblay décide qu'il n'y aura pas de référendum! La charte de la ville de Montréal lui permet, semble-t-il, un tel comportement, qui, s'il est légal, est tout aussi immoral que celui de l'Université.

Comment peut-on ridiculiser avec une telle désinvolture le processus démocratique et les nombreux citoyens qui ont agi de bonne foi? Comment pourra-t-on, devant de telles pratiques odieuses, s'étonner du cynisme des électeurs qui ne daigneront plus se déplacer pour exercer leur droit de vote?

Heureusement, osons-nous dire, il est encore temps de rappeler l'administration Tremblay à l'ordre en vue de prévenir que pareille sinistre farce se répète ailleurs au Québec: rappeler à l'ordre par une vaste mobilisation de l'opinion publique et par les interventions appropriées du ministre des Affaires municipales et de la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mais le temps presse. Il est interdit de laisser bafouer impunément les droits de la démocratie!

* Andrea Audet, Danielle Blanchard, René Brault, Micheline Cabana, André-Pierre Contandriopoulos, Denise Courteau, Jean Décarie, Louis Dumont, Ginette Dupré, Claude Godon, Sylvie Hébert, Michèle Joubert, Pierre Labelle, Jean-Claude Marsan, Isabelle Péretz, Mariette Plante, Madeleine Reid, Madeleine Sauvé, Michel Seymour, Daniel Turp et Denyse Vézina.