Face à la perspective d'un scrutin fédéral, la morosité citoyenne provoquée par la crise financière et la récession économique embrouille l'approche des partis politiques auprès de l'électorat. Entretemps, les stratèges continuent de réchauffer l'opinion publique à l'aide de thèmes classiques: chômage, santé, éducation et insécurité publiques. Pour l'heure, la lutte contre l'insécurité semble peser bien lourd sur le carnet législatif. C'est à la fois la carte et la boussole du gouvernement Harper.

Face à la perspective d'un scrutin fédéral, la morosité citoyenne provoquée par la crise financière et la récession économique embrouille l'approche des partis politiques auprès de l'électorat. Entretemps, les stratèges continuent de réchauffer l'opinion publique à l'aide de thèmes classiques: chômage, santé, éducation et insécurité publiques. Pour l'heure, la lutte contre l'insécurité semble peser bien lourd sur le carnet législatif. C'est à la fois la carte et la boussole du gouvernement Harper.

Souvent désordonné et fragmenté, ce mouvement est constant dans ses manifestations. Au recyclage d'anciens projets de loi morts au feuilleton de la Chambre des communes, s'ajoutent quelques nouveautés. Les modalités sont variables; la posture reste la même: tough on crime!

Détournant le regard sur l'accroissement de la population carcérale et les coûts sociaux et financiers s'y rattachant, le discours punitif prône l'adoption de lois plus répressives pour les jeunes et les adultes responsables de crimes associés à la violence, la drogue et le crime organisé. La protection du public justifie le durcissement des peines, dit-on péremptoirement.

Promettre la sécurité aux citoyens par l'incarcération de contrevenants dangereux relève de l'utopie. Peu importe ! Les politiciens savent bien que l'émotion suscitée par certains crimes commande une action immédiate. Face à l'électorat, que l'on soit ministre ou membre de l'opposition, personne ne veut paraître insensible à la douleur des victimes. Voilà pourquoi le législateur fédéral brandit l'arme de la répression.

Le populisme sécuritaire nous vient du pays voisin. L'accent mis sur le châtiment en est le pivot. Différentes formules sont utilisées: tolérance zéro; durcissement des peines; restriction des cautionnements et des libérations conditionnelles; limitation des peines avec sursis; élargissement du concept de détention préventive; restrictions au pardon; diminution des ressources liées aux programmes de réinsertion sociale.

D'où vient ce concept de la loi et l'ordre (Law and Order) qui sert de mantra au gouvernement conservateur canadien? Aux États-Unis, depuis plus 40 ans, la guerre contre le crime est un thème politique majeur. C'est une construction idéologique et politique conjointe des démocrates et des républicains. La prédominance des questions sécuritaires fait souvent l'objet d'un consensus national bipartisan.

La guerre contre la drogue fut le fer de lance de la justice répressive. Les Américains ont connu une véritable explosion de leur population carcérale. Sous l'angle démographique, ce sont les Noirs et les démunis qui peuplent massivement les prisons. Cette tendance lourde s'est aggravée sous l'administration du président Clinton. Les sondages favorables à l'idéologie de la loi et l'ordre incitèrent le gouvernement fédéral à investir toujours plus dans la police et les prisons. Les candidats font de la loi et l'ordre une pièce maitresse de leur programme politique. Pendant la présidence de George W. Bush, le sillon de la loi et l'ordre s'est accentué.

Au Canada, à des degrés variables, les partis politiques préconisent une justice pénale énergique. Cependant, maître du jeu, le gouvernement conservateur fourbit ses armes par une flopée d'annonces d'interventions ou de projets de loi axés sur la promesse de sécurité accrue.

Au prochain scrutin, la posture idéologique des différents partis politiques sur la criminalité risque-t-elle d'amoindrir le thème de la loi et l'ordre? Rappelons qu'aux élections britanniques de 2005, tous les partis, à peu de choses près, tenaient un discours similaire sur la criminalité. Faute de relief, ce thème perdit de son attrait dans la couverture médiatique: les journalistes préfèrent mettre en relief des projets politiques contrastés.

En contestant le monopole du Parti conservateur sur le thème de l'insécurité, les partis de l'opposition vont peut-être amoindrir un instrument de séduction du gouvernement Harper auprès de l'électorat. En effet, faute de points de vue contrastés dans le programme des formations politiques, les médias pourraient se désintéresser d'un thème électoral décoloré. Qui va s'en plaindre?

Les électeurs doivent résister aux poussées du populisme sécuritaire. Dépouillée de ses faux prétextes, l'aggravation des peines se réduit à une tyrannie de vengeurs. Le véritable défi pour la justice n'est-il pas d'éviter la démesure?