Monsieur Péladeau,

Monsieur Péladeau,

Mardi dernier, votre représentant de Sun Media, Charles Michaud, nous annonçait votre décision de retirer, dès le lendemain, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec du Conseil de presse du Québec (CPQ).

Quatre insatisfactions motiveraient votre décision de quitter l'institution qui assume l'autorégulation des médias au Québec depuis plus de 36 ans : (1) les décisions du Conseil relativement aux plaintes que formule le public contre les journaux de Quebecor, (2) le rôle-conseil du CPQ en matière de droit du public à une information libre et de qualité, (3) l'influence qu'exercent le guide de déontologie et les décisions du CPQ auprès des tribunaux civils et (4) le traitement par le Conseil de plaintes relatives aux blogues disponibles sur internet.

À notre avis, aucun de ces points ne justifie le départ des journaux de Quebecor du Conseil de presse du Québec et cette décision d'interrompre brutalement votre participation à ce mécanisme d'imputabilité de vos médias envers le public québécois.

Depuis de nombreux mois, nous sollicitons une rencontre avec votre organisation pour discuter des améliorations constantes à apporter au Conseil. La direction de Quebecor n'a jamais trouvé le temps pour répondre à notre invitation. Depuis l'entrée de votre groupe au Conseil, en mai 2002, vos représentants manifestent d'ailleurs cette même absence de participation à nos comités d'analyse de plaintes qui produisent ces décisions que vous dénoncez aujourd'hui. Dans un tel contexte, vos reproches à l'égard du Conseil sont encore plus difficiles à comprendre d'autant plus que vos représentants s'étaient engagés, en mai 2009, à participer activement à sa modernisation.

Évaluer l'action des médias en 2010 n'est pas facile. Nos décisions sont le produit d'êtres humains, elles ne sont pas parfaites. Contrairement à ce que vous dites, depuis plusieurs mois, le Conseil a poursuivi et accéléré l'amélioration de son processus d'analyse des plaintes du public. (...) Par ailleurs, il nous semble que le CPQ ne doit pas limiter son mandat à ce rôle de tribunal d'honneur et qu'il doit maintenir et développer ses activités d'animation et de réflexion sur l'importance de la déontologie et l'éthique journalistique qu'exige le droit du public à une information libre et de qualité.

(...) Il nous semble enfin essentiel que le Conseil de presse continue à exercer une surveillance sur les blogues produits par les entreprises de presse. Il serait tout à fait irresponsable pour le CPQ d'exclure ce champ d'activité journalistique au moment où ce terrain d'action occupe une place de plus en plus importante pour les citoyens. Les médias d'information ne doivent pas utiliser un prétexte technologique pour se soustraire à leur devoir d'imputabilité.

On le dit souvent, les médias d'information jouent un rôle essentiel dans notre société démocratique et doivent jouir d'une grande liberté et d'une indépendance par rapport à tous les pouvoirs qu'elle a le devoir de surveiller. On rappelle moins souvent cependant que cette liberté de presse implique une obligation d'imputabilité des médias d'information envers leurs mandataires, les citoyens du Québec. En se retirant du Conseil de presse du Québec, les journaux de Quebecor brisent ce contrat social qui les lie avec leur public et rompent leur promesse de répondre de leurs gestes devant le seul tribunal d'honneur de la presse québécoise.

Par son geste, Quebecor crée à l'égard de ses quotidiens et des journalistes qui y travaillent une situation d'absence de supervision déontologique et éthique qui nous paraît insoutenable. De son côté, le CPQ continuera à recevoir les plaintes du public relatives à vos journaux, les analysera et rendra publiques ses décisions.

* L'auteur est président du Conseil de presse du Québec. Ce texte est extrait de la lettre qu'il a fait parvenir cette semaine au président et chef de la direction de Quebecor, Pierre Karl Péladeau.