Alors qu'en Europe et ailleurs, plusieurs économies nationales sont en difficulté, la force de notre économie et de notre dollar suscite des louanges, qui s'appuient sur plusieurs réalités importantes.

Alors qu'en Europe et ailleurs, plusieurs économies nationales sont en difficulté, la force de notre économie et de notre dollar suscite des louanges, qui s'appuient sur plusieurs réalités importantes.

D'abord, notre système bancaire et financier a très bien traversé la pire crise financière des 60 dernières années. Ensuite, le consommateur canadien a continué de dépenser, ce qui a permis de compenser pour la baisse de nos exportations et ainsi réduire les effets de la récession. Troisièmement, nos matières premières, qui sont une base importante de notre économie, continuent d'être en demande de la part de pays comme la Chine. Enfin, nos déficits gouvernementaux sont demeurés modestes lorsqu'on les compare à ceux des autres pays occidentaux. Résultat: notre pays est un des premiers à sortir de la récession, et la Banque du Canada a même commencé à augmenter les taux d'intérêt.

Dans ce contexte, il existe un engouement certain pour notre devise au niveau international et de nombreux observateurs s'attendent à une parité durable entre les dollars canadien et américain.

De plus, étant donné la bonne santé du huard, des banques centrales comme celle de Russie envisagent de le considérer comme devise de réserve. Mais cet enthousiasme pour notre monnaie à l'échelle internationale ne durera pas: puisque l'appréciation de notre devise est principalement due à des forces cycliques et temporaires plutôt qu'à des forces structurelles, le dollar canadien devra s'ajuster à la baisse à moyen terme.

Si le huard s'est apprécié depuis deux ans, c'est surtout grâce à des interventions aux États-Unis, en Europe et en Chine: injections massives de liquidités dans les dépenses publiques et par les banques centrales, et baisses des taux d'intérêt. Une des conséquences directes a été de catapulter les prix des matières premières, lesquels déterminent fondamentalement la valeur de notre dollar.

Cependant, les larges déficits des gouvernements étrangers ne sont pas soutenables. Plusieurs pays européens ont commencé à couper de façon draconienne dans leurs dépenses publiques. Le Canada le fera aussi, et l'on sait déjà que les taux d'impôt vont augmenter aux États-Unis en 2011, où des coupes dans les dépenses suivront.

En outre, à l'échelle internationale, les banques et les ménages sont déjà en train de consolider leur bilan et de payer leurs dettes, ce qui a un effet déflationniste auquel s'ajoutent les importantes coupures des gouvernements. La Chine seule ne pourra pas contrebalancer ce mouvement, d'autant plus qu'elle reste en partie tributaire des économies occidentales par ses exportations. Ces forces déflationnistes structurelles auront donc pour effet de faire baisser les prix des matières premières, ce qui affaiblira notre économie et notre devise à moyen terme.

Tout se jouera à plus long terme. Résoudra-t-on vraiment le problème des finances publiques dans les pays où elles sont en crise? Combien de temps et jusqu'à quels niveaux tolérera-t-on le chômage qu'amènera forcément les forces déflationnistes?

Tentera-t-on de renverser la vapeur en créant de l'inflation, en monétisant les dettes publiques, ce qui signifie que les banques centrales imprimeront de l'argent pour racheter les obligations que les gouvernements auront émises? En cas d'inflation, les prix des matières premières seraient à la hausse, ce qui profiterait à l'économie canadienne et à sa devise. Mais cette alternative, qui présente son lot de problèmes économiques et sociaux, n'est pas favorisée à l'heure actuelle par les différentes autorités nationales.

Quoi qu'il en soit, pour le dollar canadien, une chose est certaine: alors que nos gains de productivité sont faibles depuis de nombreuses années, le huard ne pourra maintenir la parité à long terme dans un contexte déflationniste, sans des matières premières en grande demande et vendues à prix élevé. Notre devise demeure donc tributaire des cycles économiques au niveau global et des forces déflationnistes actuelles. Dans ce contexte, le huard ne se qualifie pas comme une devise de réserve.