La Coupe du monde entre dans sa phase finale sous le signe de la controverse. En une journée, marquée par deux matches entachés de grossières erreurs d'arbitrage, le débat sur l'arbitrage vidéo a été relancé. Et la pression sur la FIFA afin qu'elle accepte enfin ce type d'arbitrage va aller croissant. On peut s'interroger sur les vraies raisons d'un tel entêtement.

La Coupe du monde entre dans sa phase finale sous le signe de la controverse. En une journée, marquée par deux matches entachés de grossières erreurs d'arbitrage, le débat sur l'arbitrage vidéo a été relancé. Et la pression sur la FIFA afin qu'elle accepte enfin ce type d'arbitrage va aller croissant. On peut s'interroger sur les vraies raisons d'un tel entêtement.

Le débat sur l'arbitrage vidéo n'est pas nouveau. Il avait atteint un premier paroxysme lors des qualifications entre la France et l'Irlande l'automne dernier, avec la main de Thierry Henry. Une reprise vidéo aurait permis à l'arbitre de voir la main en question, ce qu'il avait manqué sur le coup et ce que les caméras de la télévision ont montré au monde entier pendant des jours. Certains ont hurlé au coup monté, d'autres à l'injustice, mais tous se sont tournés vers l'organisme qui gère le soccer, la FIFA, pour qu'elle revienne sur sa position traditionnelle qui est de s'opposer fermement à la vidéo.

Le football est un sport universel, il doit donc rester abordable et accessible et pouvoir être joué partout. L'infrastructure requise pour l'arbitrage vidéo serait trop lourde pour certains pays, pour certaines régions du monde. C'est le principal argument avancé par Sepp Blatter, le président suisse de la FIFA, avec le soutien du Français Michel Platini, le président de l'UEFA, la composante européenne de la FIFA. L'autre argument est le fait que le jeu serait alors haché, constamment interrompu par des contestations. Deux arguments faciles à contredire.

Beaucoup d'autres sports majeurs ont en effet établi des manières d'appliquer l'arbitrage vidéo tout à fait valables. Au tennis, dans les tournois majeurs, les joueurs ont droit à trois contestations vidéo par manche, ce qui ne nuit aucunement au jeu. Ce système ne peut en effet être appliqué partout, mais il l'est aux moments les plus décisifs, quand les enjeux sont les plus grands. Quant au rugby, c'est l'arbitre qui, en cas de doute sur un essai, peut également demander la vidéo dans les principaux championnats nationaux et internationaux. On peut aussi citer les exemples du football et du hockey, qui ont leurs limites, mais aussi leurs avantages majeurs.

La question se pose donc de savoir pourquoi un tel entêtement et des arguments aussi faibles. La théorie du complot ne tient pas la route, car nul ne sort gagnant d'une telle controverse, alimentée par chacune nouvelle erreur d'arbitrage aussi flagrante que le but refusé aux Anglais dimanche en huitièmes de finale face aux Allemands. Au contraire, c'est la crédibilité du jeu qui en souffre, surtout lorsque cela se produit devant des millions de téléspectateurs.

En janvier 2010, dans un quotidien suisse, Sepp Blatter avait évoqué la possibilité du recours à la vidéo sur la ligne de but, si c'était faisable techniquement. Devant le tollé médiatique, à la suite des erreurs de Angleterre-Allemagne et Mexique-Argentine (ce dernier étant entaché d'un hors-jeu flagrant), il a d'abord fait mine de résister. Cela semblait être devenu une question d'orgueil et un besoin de réaffirmer le pouvoir et l'indépendance de la FIFA. Cette dernière est puissante, elle veut le démontrer et ne céder devant aucune pression, fût-elle politique ou médiatique.

Mais cette fois-ci, la FIFA n'a plus le choix. Un arbitrage vidéo est possible, souhaitable, et la presse anglaise qui a de la suite dans les idées, va avoir des alliés dans le monde entier. Devant les pressions de plus en plus fortes, M. Blatter n'a pas eu d'autre choix que de présenter hier ses excuses aux équipes éliminées. Dans la foulée, il a promis de considérer la vidéo pour les situations de ligne de but lors d'une prochaine réunion, en juillet. Seulement dans ce genre de situation.

Ce n'est qu'un début, espérons-le, mais il est dommage d'avoir attendu de telles controverses pour enfin voir la FIFA évoluer vers la modernité...

* L'auteur est professeur au département de géographie et coprésident de l'Observatoire de géopolitique de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'UQAM. Amateur de soccer de longue date, il a collaboré au livre «Géopolitique de la Coupe du monde de football 2010» qui vient de paraître aux éditions du Septentrion.