Le 14 juin dernier, un tribunal ontarien a condamné pour meurtre le père et le frère d'Aqsa Parvez, cette jeune musulmane ontarienne de 16 ans qui a été assassinée parce qu'elle refusait de porter le voile islamique. Si cette triste affaire montre bien à quel point le fondamentalisme religieux gagne en importance au Canada, elle est aussi révélatrice d'un problème plus large.

Le 14 juin dernier, un tribunal ontarien a condamné pour meurtre le père et le frère d'Aqsa Parvez, cette jeune musulmane ontarienne de 16 ans qui a été assassinée parce qu'elle refusait de porter le voile islamique. Si cette triste affaire montre bien à quel point le fondamentalisme religieux gagne en importance au Canada, elle est aussi révélatrice d'un problème plus large.

Depuis l'adoption de la charte des droits et libertés en 1982, notre pays a sombré peu à peu dans un relativisme culturel et moral et nous sommes aujourd'hui incapables, en raison du droit à la différence, de protéger les femmes issues de certaines minorités culturelles. En France, où existe une charte de la laïcité, l'histoire de la jeune Aqsa aurait été probablement différente.

Comme ailleurs dans le monde, le port du voile a connu au Canada un progrès fulgurant au cours des dernières décennies. Les communautés musulmanes font face à des problèmes d'intégration et d'exclusion tandis que la question du Moyen-Orient et la guerre en Afghanistan attirent les projecteurs sur le radicalisme islamique. Ce contexte difficile rend certains membres des communautés musulmanes plus réceptifs au fondamentalisme religieux, un discours qui rejette les valeurs occidentales.

Le port de voile se situe dans ce contexte car il indique que la femme qui le porte est plus pure, plus vertueuse que celle qui ne le fait pas. Dans le cas extrême d'Aqsa Parvez, c'est cette dynamique qui était en cause et qui a ultimement mené à son assassinat par son frère et son père, ceux-ci ayant jugé qu'elle les avait déshonorés par son refus de porter le voile.

Malheureusement, la jeune Aqsa n'a jamais reçu le support qu'elle aurait dû avoir de la part de nos institutions. Pourquoi ? Parce que depuis plusieurs années les tribunaux, en s'appuyant particulièrement sur la charte canadienne, ont sacralisé la liberté religieuse et le droit à l'égalité en rendant une série de décisions qui ont permis et encouragé le port de symboles religieux ostentatoires dans l'espace public.

De plus, la constitution canadienne reconnaît explicitement le multiculturalisme comme valeur fondamentale grâce à l'article 27 de la charte, une situation unique au monde. Outre son poids juridique important, cette disposition a donné une légitimité forte à l'idée que toutes les cultures se valent à l'intérieur même du Canada. Ainsi, notre pays n'est pas porteur de valeurs fondamentales partagées, notamment l'égalité homme-femme, qu'il importerait de transmettre aux nouveaux arrivants.

Ce n'est pas le choix qu'a fait la France où, en 2003, l'Assemblée nationale a voté une loi sur la laïcité. Cette législation a été introduite à la faveur d'un rapport par la commission Stasi, dont certaines des conclusions méritent d'être répétées. Celle-ci précisait alors que la laïcité «permet librement à tous de choisir ou non, une option spirituelle et religieuse»; elle s'assure «qu'aucune communauté ne peut imposer à quiconque une appartenance ou une identité confessionnelle et protège chacune et chacun contre toute pression, physique ou morale».

Pour les autorités françaises de l'époque, la laïcité s'imposait naturellement à l'école, où l'on devait refuser les symboles religieux ostentatoires. Cette interdiction devait s'appliquer bien sûr aux enseignants, mais aussi aux élèves du primaire et du secondaire.

Le but était double. Il s'agissait d'abord d'empêcher les débats politico-religieux de pénétrer dans une enceinte où l'on devait se consacrer à apprendre. Deuxièmement, il fallait aussi transmettre à la jeune génération les valeurs communes de la République et de la nation, au-delà des particularismes.

La loi sur laïcité est aussi porteuse d'un symbole fort d'intégration aux valeurs de la France, exactement le contraire de la charte canadienne des droits et libertés.

Si la jeune Aqsa Parvez avait vécu en France, l'adolescente n'aurait jamais eu à faire face au dilemme du port du voile à l'école. La laïcité républicaine l'aurait aidé à faire face aux pressions indues de sa famille, comme elle aiderait aussi dans plusieurs autres cas moins dramatiques où les femmes musulmanes sont tout de même laissées à elles-mêmes devant les pressions de certains membres de leur communauté.

Le Canada, et le Québec en particulier, auraient beaucoup à gagner en s'inspirant du modèle français.