C'est vrai, comme l'a écrit Alain Dubuc, les vérificateurs généraux font la manchette. C'est également vrai qu'«ils jouent un rôle essentiel pour déceler des erreurs et des irrégularités, pour recommander des procédures et des pratiques comptables, pour améliorer la reddition de comptes». Mais vont-ils trop loin? Je ne le pense pas.

C'est vrai, comme l'a écrit Alain Dubuc, les vérificateurs généraux font la manchette. C'est également vrai qu'«ils jouent un rôle essentiel pour déceler des erreurs et des irrégularités, pour recommander des procédures et des pratiques comptables, pour améliorer la reddition de comptes». Mais vont-ils trop loin? Je ne le pense pas.

Les vérificateurs généraux ne sont pas les «détenteurs d'une vérité unique et absolue» et ils ne sont pas des gourous. Leurs observations peuvent être contestées. En fait, souvent dans leurs propres rapports, ils donnent l'opportunité à ceux qui sont les sujets de leurs vérifications de commenter leurs observations.

En tout temps, les gouvernements peuvent publier un rapport pour présenter un autre point de vue que celui exprimé par les vérificateurs généraux. Les gouvernements peuvent même couper l'herbe sous les pieds des vérificateurs généraux en faisant eux-mêmes une reddition de comptes de qualité des projets et programmes qu'ils gèrent. Le mécanisme de contrepoids existe donc.

Les vérificateurs généraux commentent très rarement les choix gouvernementaux quant à la mise en place de politiques publiques. Par contre, ils vont commenter certaines étapes dans le processus de mise en place, comme le décompte des coûts, la sécurité de l'information, la reddition de comptes...

Prenons l'exemple du Registre des armes à feu du Canada. La vérificatrice générale du Canada n'a jamais dit que c'était une bonne ou une mauvaise décision de mettre en place un tel registre. Par contre, elle a dénoncé fortement l'absence d'un décompte des coûts du projet et l'information incorrecte donnée sur ceux-ci, tant au Parlement canadien qu'au public canadien.

Dans la même veine, plusieurs des observations faites par le Vérificateur général du Québec sur les états financiers du Québec ces 10 dernières années n'avaient pas pour objectif de dire au gouvernement quoi faire et quoi ne pas faire en termes de politiques budgétaires, mais de l'inciter à adopter les normes comptables généralement acceptées permettant une meilleure évaluation de la situation financière du gouvernement et de meilleures comparaisons avec celles des autres gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral.

De fait, les rapports des vérificateurs généraux qui ont le plus attiré l'attention du public ont démontré que les administrations publiques avaient fait preuve de manquements graves au suivi des règles de base de la bonne gestion et de la bonne reddition de comptes.

Ces manquements reflètent, dans une certaine mesure, l'échec des autres systèmes internes de contrôle (gestionnaire, contrôle financier et vérification interne). Ces systèmes de contrôle sont sujets à un plus faible niveau d'indépendance que les vérificateurs généraux. Ce constat confirme le manque de support des dirigeants politiques pour ces systèmes de contrôle, la force des pressions politiques sur ceux-ci et donc l'importance de l'indépendance des vérificateurs généraux.

Finalement, ces manquements n'ont, en soi, rien à voir au fait que les gestionnaires doivent opérer dans l'incertitude du futur et prendre des risques. Par contre, ils sont reliés au fait que les dirigeants politiques, qui ont volontairement ignoré certains risques associés à un projet pour le faire approuver et pour avoir le support du public, n'ont pas voulu informer par la suite le public des implications négatives de ces risques lorsqu'ils se matérialisent.

Dans un environnement, où l'idéologie semble prendre le pas sur les analyses coûts-bénéfices de qualité, et où les dirigeants politiques mettent énormément de poids sur des considérations de court terme, les vérificateurs généraux ont de plus en plus un rôle important à jouer.