Le pétrole se négocie autour de 75$US le baril. Il se trouvait à 67$US il y a une semaine. En un mois, le brut a baissé de plus de 20%, pour se redresser de 10% en trois jours. Ces fluctuations soudaines provoquent des inquiétudes légitimes. Entrons-nous dans une nouvelle ère de turbulences?

Le pétrole se négocie autour de 75$US le baril. Il se trouvait à 67$US il y a une semaine. En un mois, le brut a baissé de plus de 20%, pour se redresser de 10% en trois jours. Ces fluctuations soudaines provoquent des inquiétudes légitimes. Entrons-nous dans une nouvelle ère de turbulences?

En décembre dernier, le ministre saoudien du pétrole affirmait qu'à 80 $US le baril, le marché avait atteint le «prix parfait ». À ce prix, les revenus sont suffisants pour équilibrer le budget des pays producteurs sans compromettre la reprise, stimuler l'investissement dans l'exploration, donc soutenir l'offre, et permettre le renouvellement des infrastructures de transformation et de transport.

En dessous de 75$US et au-delà de 85$US, l'équilibre est rompu et nous entrons de nouveau en territoire inconnu. Ce n'est donc pas tant du prix que de la volatilité dont il faut s'inquiéter.

Il y a toujours un imprévu pour justifier les fluctuations du marché. Le sens à donner à l'événement peut défier autant la logique que l'intuition. Souvenez-vous: l'Irak, grand producteur, est envahi ; surprise, le marché réagit à la baisse ! Les spécialistes affirment alors qu'avant l'invasion, le prix était élevé, car le marché avait anticipé l'événement. Saddam en fuite, les cours chutent. Parce que, libéré des sanctions commerciales imposées par les Nations Unies, le pétrole va couler à flots. Aujourd'hui, c'est à la crise de l'euro et à la hausse du dollar que la baisse est attribuée.

Pendant quatre ans (2000-2003), le marché est demeuré relativement stable autour de 25$US le baril. Il y a eu peu d'investissement. L'accroissement de la demande poussée par la croissance des États-Unis et des pays émergents a poussé le prix du brut entre 2004 et 2008 à 100$US sans que cela ne provoque de ralentissement sensible de l'activité. Puis les marchés financiers, tout particulièrement les fonds indexés, se sont soudainement intéressés aux matières premières et tout particulièrement au pétrole. On a constaté alors un décrochage, qui n'est pas que spéculatif, entre la demande sur les marchés physiques et la demande pour les produits dérivés, que l'on appelle le pétrole papier. Le volume des transactions financières réalisées en 2007-2008 a représenté jusqu'à 35 fois la valeur des échanges réels, accroissant d'autant la volatilité du marché. Le prix a grimpé brièvement à 145$US, puis s'est effondré à 36$US à la suite du retrait des investisseurs, conséquence de la crise financière et de la baisse de la demande qui a suivi.

Le Rapport du groupe de travail sur la volatilité des prix du pétrole, préparé à la demande du ministre français de l'Économie (www.économie.gouv.fr) présente des pistes pour stabiliser le cours du brut.

Le marché physique comme le marché papier du pétrole fluctuent selon des logiques, qui se renforcent ou se neutralisent au gré d'anticipations distinctes. Une formule de stabilisation consiste à encourager le dialogue entre producteurs et consommateurs. C'est le rôle que tente de jouer le Forum international de l'énergie qui réunit une soixantaine de pays et 30 compagnies pétrolières. L'organisme est responsable du Joint Oil Data Initiative (JODI), qui réunit l'information, la plus fiable possible, sur l'offre et la demande visant à déterminer un prix cible ou au moins une fourchette, aujourd'hui située entre 60$US et 80$US, acceptable aux principaux intervenants. Dans sa déclaration de Pittsburgh de 2009, le G20 a formellement appuyé l'initiative.

Mais le grand problème économique de l'heure, c'est l'économie casino, la «financiarisation» des marchés qui influent sur le prix des produits échangés et surtout sur les taux de change des monnaies. C'est ainsi que la régulation du prix du pétrole participe au problème plus général de la régulation des marchés financiers. Les marchés à terme sont désormais sous surveillance. Il faut accroître la déclaration et donc la transparence des transactions, assurer la compétition et limiter le décrochage entre marché physique et marché papier. Nous avons là une application concrète de ce à quoi devraient aboutir les discussions du G20 de la fin juin à Toronto.