Devrait-il y avoir une assurance récolte pour les promoteurs qui n'obtiennent pas les subventions gouvernementales escomptées? L'idée fait sourire, mais c'est pourtant ce que suggère le plus sérieusement du monde Laurent Saulnier, porte-parole du groupe Spectra.

Devrait-il y avoir une assurance récolte pour les promoteurs qui n'obtiennent pas les subventions gouvernementales escomptées? L'idée fait sourire, mais c'est pourtant ce que suggère le plus sérieusement du monde Laurent Saulnier, porte-parole du groupe Spectra.

Les FrancoFolies de Montréal ne recevront pas en 2010 de subventions du programme appelé «Manifestations touristiques de renom»; ceci n'est pas une bonne nouvelle, tout le monde en conviendra. Mais faut-il pour cela crier à l'injustice et monter au créneau pour que d'autres pouvoirs publics viennent compenser les organisateurs dépités?

Le programme en question est une créature éphémère, d'une durée de trois ans, se terminant cette année, conçue pour permettre à de grands événements de mieux traverser la crise, notamment à cause de la baisse des revenus de commandite. Il s'agit donc de subventions d'appoint et non d'une source régulière de revenus pour les festivals.

En considérant que les règles d'attribution semblent, vues de l'extérieur du moins, complètement fantaisistes, on comprendra que nul ne peut tenir pour acquis des retombées de ce programme aussi imprévisible qu'une loterie. Si l'argent arrive, bravo. Par contre, s'il n'y est pas, il faudra «faire sans». C'est la règle du jeu. Spectra aurait déjà engagé des sommes en escomptant une réponse positive? Si cela est exact, on aurait affaire à des gens suicidaires qui foncent aveuglément dans un précipice, chose difficile à imaginer.

La réponse arrive bien trop tard, nous dit-on encore. Avec une manifestation en juin, les réponses des institutions et ministères vont arriver automatiquement plus près de l'événement; c'était là la conséquence la plus prévisible du devancement des FrancoFolies (tout comme le renforcement consécutif du versant anglophone du Festival d'été de Québec). Il est ironique que ce soit ceux-là qui ont mené le coup de force amenant les FrancoFolies en juin, deux mois plus tôt, qui aujourd'hui se plaignent des réponses de dernière minute. Celles-ci représentent un vilain casse-tête pour les organisateurs, mais c'est une des contraintes avec laquelle toutes les directions de festival du mois de juin ont à composer. Point à la ligne.

Dernier argument des promoteurs frustrés: en 2010, le fédéral a limité les subventions à deux événements par ville sans prévenir personne. Cette limitation intempestive n'est, en effet, pas très avisée: on ne juge plus sur les mérites intrinsèques de la demande, mais sur son origine géographique.

Cependant, il est loin d'être certain que les FrancoFolies, dans leurs nouvelles dates, se qualifient à ce programme de développement des clientèles touristiques. Le principal, sinon l'unique marché qui peut être visé par la manifestation demeure les pays francophones d'Europe où la tradition veut qu'on prenne ses vacances en août. Tout le monde cherche la pierre philosophale qui pourrait amener l'or touristique dans les mois de plus faible affluence, juin notamment. De toute évidence, il est douteux que les FrancoFolies puissent faire des miracles en ce domaine, chose qui n'aura vraisemblablement pas échappé à la loupe des analystes d'Industrie Canada.

On voit donc que la prétention de Spectra, selon qui 1,5 million de dollars lui serait dû, ne tient pas la route. Et nous sommes en droit de nous étonner que les «lucides» qui prêchent à qui mieux mieux les vertus théologales de l'austérité, de la rigueur et de la saine gestion, ne soient pas déjà sur les tribunes pour déclarer que l'injection supplémentaire de fonds publics réclamée par Spectra serait, si on lui donne suite, une scandaleuse prime à l'impéritie.

Dans ce contexte, la décision de la ministre du Tourisme du Québec de ne pas verser de compensation apparaît sage et avisée.