Alors que le rideau tombe sur la grande fête de la recherche - 6000 chercheurs francophones au 78e congrès de l'ACFAS, un record! -, le milieu scientifique tient à rappeler au gouvernement québécois son engagement de 2006: consacrer 3% du produit intérieur brut (PIB) à la recherche et au développement.

Alors que le rideau tombe sur la grande fête de la recherche - 6000 chercheurs francophones au 78e congrès de l'ACFAS, un record! -, le milieu scientifique tient à rappeler au gouvernement québécois son engagement de 2006: consacrer 3% du produit intérieur brut (PIB) à la recherche et au développement.

Trois pour cent, c'est la cible visée par les États-Unis afin de relancer l'économie et tourner celle-ci vers de nouveaux savoirs. Actuellement, le budget dévolu à ce secteur est de 2,6% chez nos voisins du Sud, un taux comparable à l'Allemagne, au Danemark et à l'Autriche. Des pays comme le Japon (3,4%) et Israël (4,7%) sont résolument engagés dans l'innovation.

Selon la Banque mondiale, qui collige ces données, le Canada figure parmi les plus timides des pays occidentaux avec tout juste 2% de son PIB consacré à la recherche scientifique.

L'éditorial de la revue scientifique Nature, le 16 janvier dernier, attaquait directement la stratégie canadienne en matière de science, particulièrement en ce qui concerne les études nordiques. «Call for a bigger vision», titrait l'éditorialiste. Selon lui, le gouvernement canadien peut faire beaucoup plus pour financer la recherche.

«Le Canada est un cancre depuis toujours parmi les pays industrialisés», résume l'historien des sciences Camille Limoges. Il n'a pas été surpris de voir le gouvernement Harper houspillé par l'une des revues scientifiques les plus prestigieuses au monde. «Ce n'est pas normal que certains pays émergents se classent mieux que nous dans les classements internationaux», déplore Mona Nemer, vice-rectrice à la recherche à l'Université d'Ottawa.

Le Québec là-dedans? Il est à environ 2 milliards de dollars de la cible des 3%, à laquelle premier ministre Jean Charest s'était pourtant engagé formellement, au moment d'annoncer de nouveaux investissements il y a quatre ans, en compagnie du ministre Raymond Bachand (aujourd'hui aux Finances). Comme le rapportait la Presse canadienne le 12 avril 2006, le ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation se donnait quatre ans pour atteindre l'objectif du 3%. Non seulement la cible n'est pas atteinte: on s'en est éloigné...

À 2,63%, le Québec n'est pas parmi les plus mauvais joueurs de sa catégorie. Mais les sommes consenties à ce secteur sont en baisse constante, proportionnellement au PIB, depuis le début de la décennie: 2,79% en 2002; 2,67% en 2005. Les dernières décisions gouvernementales en matière scientifique sont peu encourageantes: abolition du Conseil de la science et de la technologie et fusion des trois fonds québécois de la recherche. Et l'argent neuf? Comme le dit Pierre Noreau, président de l'Association francophone pour le savoir, «dans ce domaine-là, si on n'avance pas, on recule».

«La science est plus essentielle qu'elle ne l'a jamais été pour notre prospérité, notre sécurité, notre santé, notre environnement et notre qualité de vie», affirmait il y a quelques mois le président Barack Obama en annonçant que son administration doublera, d'ici 10 ans, le budget des organismes comme le National Science Foundation et le National Institute of Standards and Technology.

Au Québec, le milieu de la recherche attend avec impatience le dévoilement (imminent) de la nouvelle stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation qui tracera les grandes orientations gouvernementales en la matière. À quoi s'attendre? À des recherches qui servent d'abord et avant tout le «développement économique», ce qui inquiète tous ceux qui pensent que la recherche fondamentale est au moins aussi importante que celle qui «rapporte».

Comme le dit l'historien des sciences Yves Gingras, l'imagination des chercheurs est le véritable moteur du système québécois de la recherche. Mais «l'argent en constitue toujours le carburant, pour ne pas dire l'essence».

* L'auteur est président de l'Association des communicateurs scientifiques du Québec, qui tiendra un congrès sur le thème «Science et politique», le 20 mai, à Radio-Canada.