Il n'y a pas si longtemps, le financement des partis politiques, tant municipaux que provinciaux et fédéraux, se faisait par les intéressés mis à contribution. Parents et amis localement; clients et fournisseurs investisseurs ou reconnaissants aux niveaux régional et national.

Il n'y a pas si longtemps, le financement des partis politiques, tant municipaux que provinciaux et fédéraux, se faisait par les intéressés mis à contribution. Parents et amis localement; clients et fournisseurs investisseurs ou reconnaissants aux niveaux régional et national.

C'était l'époque où les partis s'attachaient la fidélité et le vote de la famille en donnant un job de scrutateur ou de représentant à la table de scrutin. Fonction plus ou moins bien rémunérée dépendant qu'on soit au pouvoir ou dans l'opposition. La politique était peut-être folklorique à l'époque, mais c'était un sport, pas un métier. Et quel sport fascinant et passionnant, qui créait des amitiés exceptionnelles et des haines viscérales.

Notre société en évolution vers le meilleur des mondes a fait le choix de démocratiser le financement des partis et des élections en les régissant très strictement. Maximum de contribution, nécessité d'être électeur, excluant les sociétés ou corporations, déductions fiscales, contrôles à tous les niveaux. Les opérations des partis sont régies en tout temps, en particulier sur le plan du financement, avant, pendant et après les élections. Mieux, des personnes nommées, les représentants officiels, les agents officiels des partis sont responsables et imputables de toutes les activités de financement. Responsables du respect de la loi, imputables de toute contravention ou tout acte dérogatoire, qu'il soit de nature réglementaire ou criminelle.

Ces lois qui ont modifié les conditions de participation au financement des partis politiques ne sont pas récentes. Pourtant, la culture politique n'a pas suivi. Et ce n'est pas l'apanage d'un seul parti.

Mon code criminel compte près de 800 articles et pourtant, chaque jour, des centaines de crimes sont commis. Une fraction fait l'information. On s'étonne aujourd'hui qu'il y ait encore des acteurs qui n'ont pas assimilé la nouvelle culture politique et se comportent comme des attardés nostalgiques de la moralité publique. C'est pourtant inévitable qu'il y ait délinquance. En matière d'éthique, il faut sonder les coeurs pour identifier le larron. Ce que nous voyons publié ces derniers temps existe depuis toujours. L'encadrement légal actuel comporte substantiellement les moyens adéquats pour identifier et sanctionner les actes dérogatoires.

Ne soyons pas naïfs. Qui éprouve une passion dévorante envers son parti politique préféré au point de verser 3000$ par an ou à l'occasion d'une élection? Soyons sérieux. Tout parti bénéficie plus ou moins ouvertement de l'intéressé et de son intérêt à le faire élire. Bien sûr, rien n'est vraiment promis par le futur député ou ministre, mais quel personnage politique peut prétendre avoir dit clairement à ses commettants ou bailleurs de fonds: après les élections, j'aurai oublié ton nom. C'est faire l'autruche que de s'imaginer que les affinités entre l'électeur, le bailleur de fonds et l'élu tiennent exclusivement au passionnant programme politique. C'est toujours l'intérêt qui motive. Tous les acteurs politiques ont compris cela depuis longtemps et agissent en conséquence. Ce qui n'est pas nécessairement incompatible avec le respect de la règle de droit. Mais il faut vouloir.

À l'occasion, trop souvent, certains dépassent la mince démarcation entre l'éthique et l'appât du bénéfice. Et puis, on s'habitue aux dépassements dont l'âme seule est témoin. Et on finit par traverser la frontière de l'illégalité. Quelquefois, on se fait coincer par le jeu d'un mauvais concours de circonstances.

Nos lois sont estimables et relativement efficaces pour gérer ces situations qui concernent l'intérêt public et minent gravement la crédibilité de la classe politique. Mais elles manquent de dents.

Le Code criminel (art. 426) stipule qu'est passible de cinq ans s'emprisonnement celui qui, par corruption, offre ou accepte une récompense ou un bénéfice en contrepartie d'un acte dans le cadre de fonctions. Il faut que le bénéfice soit caché et il faut surtout que ce soit fait «par corruption», ce qui n'est pas rien à prouver, foi de procureur. Mais tout de même, le caractère criminel de l'acte est constaté et sanctionné.

Le directeur général des élections peut, de sa propre initiative, faire enquête sur l'application de la loi (art. 491). Ses activités sont traditionnellement bien discrètes.

Si l'on doit agir pour changer les mentalités, on pourrait commencer par donner un mandat proactif au DGE. Il lui est facile d'identifier les dons ou groupes de dons les plus propices à cacher une opération illégitime. Décréter des enquêtes de son propre chef et procéder systématiquement, par sondage comme le vérificateur général le fait, serait très efficace. Cette mesure garderait les politiques en alerte et leur instillerait une saine prudence dans le choix de leurs représentants officiels chargés du financement. On saurait surtout que leur identité peut-être rendue publique.

Aussi, on peut arguer que les amendes sont insuffisantes et j'en suis. Mais il faudrait avant tout que le DGE se présente comme un véritable champion du processus électoral démocratique. Le combat pour l'intégrité ne sera jamais définitivement gagné. Mais un peu d'agressivité rendrait le présent round plus intéressant.