Cher Jack, vous me connaissez bien. Vous m'appelez Suzanne et je vous appelle Jack.

Cher Jack, vous me connaissez bien. Vous m'appelez Suzanne et je vous appelle Jack.

Comment nous sommes-nous connus? Je suis la mère d'Anne-Marie Edward, tuée lors du massacre de Polytechnique. Je voyage à Ottawa régulièrement depuis maintenant 20 ans pour défendre le bien-fondé d'un resserrement des contrôles sur les armes à feu. À Ottawa, nous nous sommes rencontrés, vous et moi, bien souvent, toujours avec grand plaisir.

Le 6 décembre 1989, ma vie et celle de toute ma famille a basculé. Nous sommes restés marqués par la perte, non seulement de notre fille Anne-Marie, mais aussi des petits-enfants qu'elle nous aurait donnés. Nous avons dû puiser au plus profond de notre force morale pour continuer à vivre malgré notre immense peine.

Les armes peuvent tuer non seulement les corps, mais également les âmes.

Notre famille a été amputée à tout jamais. Quelques amies d'Anne-Marie ne s'en sont pas tirées aussi bien que nous, 20 ans plus tard, elles luttent encore pour se consoler. Le massacre de Polytechnique n'a pas, comme on le croit, fait 14 victimes. Des milliers de personnes, femmes et hommes, en sont restées psychologiquement traumatisées. C'est également le cas des tragédies de Concordia et de Dawson.

Jack, on a besoin de vous à présent! Le gouvernement se plie volontiers aux désirs du lobby des armes. Il s'apprête à abolir la pierre angulaire de notre contrôle des armes: l'enregistrement des armes de chasse, dites armes longues. En bref: le fusil Ruger Mini-14 semi-automatique utilisé pour tuer ma fille et ses 13 compagnes en moins de 25 minutes deviendra non-enregistré. Intraceable. Inconnu des forces policières.

Jack, vous êtes le fondateur de la campagne du Ruban blanc, celle-là même qui commémore les 14 victimes et toutes les femmes violentées.

Jack, ça prend plus que des rubans blancs!

L'enregistrement des armes à feu est un monument érigé à la mémoire de nos filles, pour lequel moi-même et d'autres membres des familles des victimes se sont battus d'arrache-pied pendant 20 ans.

L'enregistrement fonctionne étonnamment bien. Les forces policières en consultent les données 11 000 fois par jour. Elles disent qu'elle sauve des vies. Des groupes de femmes dans tout le pays et les experts en prévention du suicide affirment que l'enregistrement aide.

Jack, le futur du contrôle des armes au Canada repose entre vos mains. Seulement, vous pouvez éviter l'anéantissement de l'enregistrement des armes par les conservateurs en imposant un vote de parti.

M. Duceppe et M. Ignatieff ont déjà dit qu'ils forceraient un vote de parti, parce qu'il est question de vie ou de mort. Pourquoi ne pouvez-vous pas faire la même chose? N'êtes-vous pas le leader de votre parti? Votre parti n'est-il pas le Nouveau Parti démocratique, celui-là même qui défend la justice sociale, qui défend le droit des femmes, le droit des victimes? Croyez-vous que Stephen Harper n'exigera pas un vote de parti? Je ne vous crois pas aussi naïf.

Jack, je vous demande de faire l'unique chose qu'un homme de votre trempe peut faire, la seule chose morale : exigez le vote de parti contre le projet de loi C-391 qui vise le démantèlement de l'enregistrement des armes qui nous est si cher.

Des vies canadiennes en dépendent.