Comme la plupart des revues et magazines culturels du Québec, nous apprenions au cours du printemps 2007 que le ministère du Patrimoine canadien entendait restructurer des programmes fédéraux destinés à l'«industrie» des périodiques. Les enjeux annoncés étaient importants: sous le couvert de leur fusion en un nouveau programme, il s'agissait bel et bien, dans les faits, de mettre un terme au Programme d'aide aux publications, qui accordait aux périodiques une aide financière, via Postes Canada, pour les coûts de leurs envois postaux, et de saborder l'important Fonds du Canada pour les magazines (FCM), dont plusieurs revues bénéficiaient par l'entremise du programme d'Aide aux magazines artistiques et littéraires.

Comme la plupart des revues et magazines culturels du Québec, nous apprenions au cours du printemps 2007 que le ministère du Patrimoine canadien entendait restructurer des programmes fédéraux destinés à l'«industrie» des périodiques. Les enjeux annoncés étaient importants: sous le couvert de leur fusion en un nouveau programme, il s'agissait bel et bien, dans les faits, de mettre un terme au Programme d'aide aux publications, qui accordait aux périodiques une aide financière, via Postes Canada, pour les coûts de leurs envois postaux, et de saborder l'important Fonds du Canada pour les magazines (FCM), dont plusieurs revues bénéficiaient par l'entremise du programme d'Aide aux magazines artistiques et littéraires.

Là où ce programme particulier du FCM appuyait «le maintien et le développement des magazines qui participent à la reconnaissance des arts et de la littérature au Canada», là où l'on voulait faire en sorte «que les lecteurs canadiens disposent de choix canadiens de qualité sur le marché national des magazines», le tout nouveau Fonds du Canada pour les périodiques (FCP) s'évertue depuis sa récente inauguration à offrir «une aide financière aux industries canadiennes des magazines et des journaux non quotidiens», pour autant que ceux-ci parviennent à vendre ou à «distribuer sur demande» plus de 5000 exemplaires par année, palier de ventes que la grande majorité des revues culturelles membres de la Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP) n'atteint pas.

Pour les magazines culturels francophones du Québec, ce critère est particulièrement odieux, puisqu'ils sont évidemment les premiers touchés, compte tenu de la taille du lectorat francophone à l'échelle canadienne.

En somme, par ce qui nous apparaît comme une décision idéologique des plus douteuses, le ministère du Patrimoine canadien menace aujourd'hui l'existence même de certaines revues spécialisées soucieuses d'offrir un contenu culturel de qualité, pour mieux appuyer les périodiques dont les principes de rentabilité et de marketing assurent un niveau de ventes que l'on peut en effet qualifier d'«industriel».

«Think big!»

Car c'est bien ce que propose aujourd'hui le FCP: la rentabilité, la croissance, l'enflure industrielle. Pour les revues et magazines à «faible et moyen tirage», on propose maintenant le volet «innovation commerciale», conditionnel à la présentation de plans d'affaires ou de marketing et visiblement destiné à permettre, à ceux et celles qui n'y parviennent pas encore, d'atteindre le seuil de respectabilité de 5000 exemplaires vendus par année. Les autres seront sans doute invités à prendre le virage internet: on les y encourage déjà, notamment en finançant des initiatives en ce sens, comme si se trouvait là le nouveau Saint des Saints.

Dans les faits, le ministère du Patrimoine canadien remet en cause l'édition de revues et magazines qui ne rapportent pas avec autant d'efficacité que les périodiques de supermarché. Cette opération ressemble étrangement à la manoeuvre par laquelle ce ministère a cessé de financer l'édition sur support physique de la musique actuelle et du jazz, il y a quelques mois à peine.

À nos yeux, il va de soi que le nécessaire soutien aux périodiques culturels aurait dû prioritairement aller vers ceux et celles parmi les revues et magazines qui, en se mettant au service de la culture vivante, en prenant le risque d'une parole critique exigeante, contribuent à l'élaboration et à la constitution du patrimoine à venir.

Faut-il comprendre qu'au regard de l'actuel gouvernement, la seule culture canadienne digne de son appui soit celle qui répond de manière quantifiable et sonnante aux préférences des lecteurs canadiens, à sa capacité de rejoindre le lectorat, à son potentiel au box-office? Est-ce là le rôle des revues culturelles? Leur valeur ou leur «fortune» doit-elle désormais se mesurer suivant des critères financiers ou corporatifs? Faut-il comprendre, aujourd'hui, que le ministère du Patrimoine canadien ne veut plus encourager le contenu culturel si ce n'est même l'existence de périodiques propices à l'émulation de la pensée critique et de la création?

Il faut souligner combien est violent ce déni de la culture, que l'on ramène encore une fois à un échange de biens et de services, et répéter qu'une telle vision implique un mépris de la connaissance et de l'expérience riche et variée de la vie, dont toute notion de culture est indissociable depuis toujours.

Les revues et magazines signataires de cette lettre, comme plusieurs autres au Québec et au Canada, font leurs des mandats qui les placent à distance de l'idéologie de l'instantané et de l'immédiat. Va-t-on maintenant subventionner uniquement l'écriture fonctionnaliste, qui ne sert souvent qu'à ajouter quelques descriptions à des images spectaculaires?

Aujourd'hui, nous ne demandons pas simplement que le ministère du Patrimoine canadien révise sa position, mais plutôt qu'il corrige le tir de sa logique perverse, laquelle, depuis plusieurs années, met dans le même sac les magazines du tout-venant médiatique et des revues à vocation critique qui requièrent du lecteur son attention soutenue, c'est-à-dire le temps de les lire.

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