Au cours des derniers jours, la question de la gouvernance du Jardin botanique de Montréal a ressurgi dans l'actualité. Le directeur général de la Ville de Montréal, Louis Roquet, a mentionné la semaine dernière, lors d'un point de presse, que l'administration réfléchissait à la création d'une société paramunicipale pour prendre en charge les Muséums Nature (Biodôme, Insectarium, Planétarium et Jardin botanique).

Au cours des derniers jours, la question de la gouvernance du Jardin botanique de Montréal a ressurgi dans l'actualité. Le directeur général de la Ville de Montréal, Louis Roquet, a mentionné la semaine dernière, lors d'un point de presse, que l'administration réfléchissait à la création d'une société paramunicipale pour prendre en charge les Muséums Nature (Biodôme, Insectarium, Planétarium et Jardin botanique).

L'idée de réfléchir à une nouvelle structure de gouvernance qui pourrait améliorer la gestion du Jardin botanique de Montréal est une excellente idée. En revanche, il est inquiétant de penser que la gouvernance de cette grande institution pourrait être confiée à des intérêts qui impliqueraient la participation du privé.

L'idée de voir des partenaires privés s'immiscer dans la gestion du Jardin botanique suscite pour moi beaucoup d'inquiétude. Comment ne pas s'imaginer que, même bien intentionnés, ces partenaires aient une influence biaisée à l'égard des missions fondamentales qui guident la destinée du Jardin botanique de Montréal, véritable institution depuis bientôt 80 ans?

Au cours des dernières années, j'ai été invité à travailler au sein de comités chargés de revoir la restructuration stratégique de deux jardins botaniques canadiens de nature semblable à celui de Montréal, mais d'envergure plus modeste: le Devonian Botanical Garden à Edmonton et le Royal Botanical Gardens de Hamilton. Tous les deux comptent sur une participation du privé pour boucler leur budget. Je me rappelle à quel point les gestionnaires qui ont travaillé avec moi jalousaient la situation du Jardin botanique de Montréal et considéraient son mode de gestion comme idéal.

Le Jardin botanique de Montréal est un joyau qui brille parmi les deux ou trois plus importants jardins botaniques au monde. Peu d'institutions montréalaises peuvent ainsi s'enorgueillir d'occuper une telle place sur la scène mondiale.

C'est pourtant dans le cadre municipal que cette institution s'est développée et épanouie pour atteindre aujourd'hui cette réputation. De grands hommes, le frère Marie-Victorin, Jacques Rousseau, Pierre Bourque et André Bouchard, ce grand écologiste qui nous a quittés récemment, ont tenu ses commandes. Des générations de chercheurs, de botanistes et d'horticulteurs, artistes dans l'âme, créant roseraies, jardins alpins ou japonais, se sont succédé depuis 80 ans. Tous ont travaillé avec inventivité et passion sans que le cadre municipal ne nuise à leurs efforts et leur motivation, bien au contraire.

J'en appelle donc à la vigilance de tous les conseilleurs municipaux qui auront bientôt à se prononcer sur l'avenir du Jardin botanique de Montréal. Je les invite aussi à penser à plus long terme, quand ni l'administration actuelle, ni les gestionnaires des Muséums, ni moi ne seront encore là. Dans 10 ans, dans 15 ans, qui alors sera responsable de cette institution? Et quelle sera la situation économique? Ne serait-il pas tentant pour une autre administration municipale de confier à cette société paramunicipale la responsabilité de ses frais de fonctionnement en y impliquant davantage le privé? Ce seront alors les missions fondamentales - l'éducation, la conservation, la recherche - qui seront menacées. Ce sera l'institution qui sera menacée. Cette perspective d'une telle société paramunicipale me fait craindre le début d'un désengagement de la Ville, et c'est ce qui m'inquiète au plus haut point.

Bien sûr, je suis conscient que les problèmes de financement de la Ville sont importants. Je comprends aussi que les dossiers sont nombreux. Mais jusqu'ici, toutes les administrations précédentes, depuis Camilien Houde, ont su composer avec les priorités de la ville tout en donnant une place prépondérante à cette prestigieuse institution.

Les Montréalais sont attachés au Jardin botanique et ils en sont fiers. Le monde entier nous l'envie. Je voudrais rappeler au maire Tremblay qu'il aura beau trouver la meilleure et la plus belle des solutions pour l'échangeur Turcot, ce n'est pas une structure de béton qui fera leur fierté ni celle de leurs enfants.

De grâce et sans plus attendre, pour le bien de tous les Montréalais, préservons le Jardin botanique de Montréal.