La Révolution tranquille a dépolitisé la nomination des juges et mis en place un mécanisme qui, pour n'être pas parfait, n'en est pas moins très efficace et estimable. Ce système a instauré un contrôle de qualité et de compétence des candidats retenus que personne ne conteste.

La Révolution tranquille a dépolitisé la nomination des juges et mis en place un mécanisme qui, pour n'être pas parfait, n'en est pas moins très efficace et estimable. Ce système a instauré un contrôle de qualité et de compétence des candidats retenus que personne ne conteste.

On est loin de l'époque de ces juges «créés» par Duplessis. Notre société tellement soucieuse de propreté parfaite, de mécanismes aseptisés et déshumanisés est en voie de se ridiculiser avec ce raffut injustifié et cette commission d'enquête inutile.

L'inexpérience politique de Marc Bellemare, ancien ministre de la Justice, explique peut-être son indignation tardive, soyons crédules. La lapidation du gouvernement par l'opposition et la levée de boucliers qui s'ensuivit, les professions d'intégrité proférées, tout cela est parfaitement factice. Nous sommes en train de massacrer l'une des plus belles réalisations de notre jeune démocratie. Quel citoyen veut prendre le risque qu'un cénacle de juges non imputables s'autoreproduise indéfiniment en lui transférant la responsabilité des nominations? Préfère-t-on que des fonctionnaires non élus nomment les juges?

Il y aura toujours une certaine dose d'arbitraire dans ces nominations. Ne reste à connaître que l'identité de celui qui l'exerce. L'élu est mon préféré. On ne peut que souhaiter que cet arbitraire soit exercé judicieusement, avec modération et en prenant en considération des facteurs sains, qui ne pervertissent pas le processus.

Le tableau des candidats juges compétents éligibles établi, l'élu choisi par le système pour recommander l'un d'eux est le ministre de la Justice, celui qui est le patron de l'organisation judiciaire du Québec. L'institution politique identifiée par le système pour procéder à la nomination est le Conseil des ministres.

Le ministre décide

L'autorité suprême. Normal, la nomination des juges est l'une des fonctions les plus importantes au sein de notre société. Jusqu'ici, quel est le problème? Totalement inexistant.

Tous les gouvernements québécois des 30 dernières années ont nommé des juges en principe compétents en respectant le processus après avoir reçu des «recommandations». Que ce soit le ministre de la région qui se laisse informer qu'untel - qui s'avère une connaissance - a présenté sa candidature ou le ministre de la Justice lui-même qui est «informé». La beauté de la chose est que le ministre de la Justice n'est pas obligé de s'y plier. Un ministre de la Justice responsable ne met pas son premier ministre dans l'embarras en dénonçant l'intervention. Il décide et assume. Point.

Je crois que le premier ministre a commis une erreur en créant cette commission d'enquête. Ce n'est pas mettre le couvercle sur la marmite qu'il fallait, c'est dire les choses comme elles sont et comme elles doivent être: le processus est parfait; les décideurs ne le sont pas et ne le seront jamais; on peut souhaiter qu'ils soient intègres et efficaces. C'est tout et c'est suffisant.