Dans Alice au pays des merveilles, l'héroïne bascule dans un autre monde, si étrange qu'elle doit changer ses points de repère. En catimini, sans que l'on n'en mesure l'importance, notamment dans les médias, c'est tout notre monde qui est présentement en train de basculer. Le débat sur le caractère limité des ressources est maintenant clos. Alors que nous avons atteint le pic pétrolier mondial, l'ère de l'or noir à bon marché est révolue. Toutes nos décisions présentes et futures devront viser à protéger nos acquis sociaux dans un contexte où une baisse drastique des niveaux de consommation dans les pays industrialisés ne pourra, au mieux, qu'atténuer l'explosion du prix du baril de pétrole.

Dans Alice au pays des merveilles, l'héroïne bascule dans un autre monde, si étrange qu'elle doit changer ses points de repère. En catimini, sans que l'on n'en mesure l'importance, notamment dans les médias, c'est tout notre monde qui est présentement en train de basculer. Le débat sur le caractère limité des ressources est maintenant clos. Alors que nous avons atteint le pic pétrolier mondial, l'ère de l'or noir à bon marché est révolue. Toutes nos décisions présentes et futures devront viser à protéger nos acquis sociaux dans un contexte où une baisse drastique des niveaux de consommation dans les pays industrialisés ne pourra, au mieux, qu'atténuer l'explosion du prix du baril de pétrole.

C'est dans ce contexte qu'il faut maintenant analyser le premier budget du ministre Bachand.

Comme dans le célèbre conte, il faut maintenant courir pour rester sur place, et courir deux fois plus vite pour avancer. Même en développant tout le potentiel des sables bitumineux de l'Alberta, en massacrant d'immenses territoires, on ne parviendra même pas à compenser les pertes de production que nous constatons maintenant, chaque année, dans les sources traditionnelles d'approvisionnement. Si le pic pouvait être formellement atteint cette année, l'incapacité de l'offre à répondre à la demande a déjà conduit le prix du brut à 147$ le baril en 2008. Le monde entier a été plongé dans la pire récession depuis la Grande dépression. Les mêmes conditions vont être réunies à nouveau avec la reprise.

L'essence à 2$ ou 3$ le litre, pour des citoyens bloqués dans le trafic dans des véhicules inefficaces, sans alternatives, ça va faire très mal. Et ce n'est pas une utopie, c'est la réalité à l'horizon 2020. Nous n'avons que quelques années devant nous pour investir massivement dans le développement des transports collectifs tout en incitant les citoyens à acquérir des véhicules plus efficaces.

Tout comme notre hydroélectricité qui ne doit plus être gaspillée avec des tarifs parmi les plus bas au monde. On doit l'utiliser pour remplacer des combustibles fossiles, ailleurs et ici, notamment en électrifiant les transports.

Pour ces raisons, le GRAME appuie entièrement la taxe régionale de 1,5¢ et la hausse de 1¢ par année par litre de la taxe sur l'essence, pourvu que les revenus servent principalement à développer les transports collectifs. Nous approuvons également le dégel graduel des tarifs du bloc patrimonial d'électricité à compter de 2014.

Selon le GRAME, le gouvernement devrait toutefois travailler dès maintenant aux modalités qui permettraient de convertir les frais fixes (frais d'immatriculation, ainsi que les frais d'assurances privées) en frais variables d'après le kilométrage parcouru. Les automobilistes pourraient bénéficier d'une baisse de 10% à 15% de leurs frais d'assurances, tandis que ceux ayant de plus faibles revenus profiteraient d'économies encore plus élevées. En effet, ces derniers doivent présentement supporter des frais disproportionnés pour des véhicules qu'ils utilisent moins que les automobilistes de classes plus aisées.

On devra de plus en plus miser sur des incitatifs économiques qui permettront en même temps d'atteindre l'objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre du Québec de 20% d'ici 2020, tout en réduisant les coûts supportés par le système de santé, grâce à une baisse des accidents et de la pollution, et une hausse de l'utilisation des transports actifs. Plusieurs éléments du premier budget Bachand vont dans cette direction. Il reste que ces derniers pourraient être bonifiés, notamment par des mesures complémentaires et compensatoires, dont un recours accru à la taxe carbone. D'autres écotaxes pourraient, par exemple, permettre de réduire la taxe santé.

Par contre, avant de rejeter ces mesures, il faut se rappeler que nous sommes déjà passés de l'autre côté du miroir.

*Les signataires sont des collaborateurs du Groupe de recherche appliquée en macroécologie (GRAME). M. Lefebvre est également économiste et chargé de cours à l'UQAM.