Le courage suintant de larmes de Joannie Rochette restera un des moments forts des Jeux olympiques de Vancouver.

Le courage suintant de larmes de Joannie Rochette restera un des moments forts des Jeux olympiques de Vancouver.

Le deuil en pleine page, au réveil. Le destin qui bourre le papier d'un journal, et la tristesse diffuse qui accentue l'encre des mots...

Une athlète canadienne perd sa mère un samedi matin, laquelle venait à peine d'atterrir à Vancouver avec son mari pour assister au premier entraînement de sa fille unique. Crise cardiaque. Vous avez dit malheur? Injustice? Je vous réponds la vie dans son plus triste habit.

Je ne connais pas Joannie Rochette, cette patineuse artistique présentée comme un grand espoir de médaille aux Jeux olympiques. Mais je voue à la vice-championne du monde 2009 un profond respect. Oh, pas pour ses prouesses et son élégance sur la glace, mais pour ce tempérament de battante malgré le fardeau d'un drame terrible sur ses épaules.

Je suis toujours en admiration devant ces sportifs qui décident de poursuivre la compétition quand rien ne les y oblige. Faire comme si de rien n'était, enfiler ses patins et foncer, s'entraîner, avec l'espoir d'accrocher une médaille d'hommage autour de son cou.

Si cette compétitrice l'emporte ou se hisse sur le podium, elle a une dédicace toute prête, et sans doute que l'émotion longtemps contenue devant les caméras se fera la belle sur des joues sans vie privée. Et même si elle abandonne, même si elle chute et doit se contenter des seconds rôles, comment lui en vouloir? Comment en vouloir à cette jeune femme de 24 ans qui avait hâte de retrouver sa grande complice et qui doit se contenter d'un cercueil?

Quoi qu'il arrive à cette athlète, quelle que soit l'issue de la compétition, sa détermination sans mouchoir vaut déjà une médaille, l'or du respect que cette force de caractère impose. On pense trop souvent, à tort, que les champions se distinguent par leur palmarès, par le nombre de breloques qui s'agrippent à leur nuque, aux titres qu'ils compilent sur leur album de sueur... On oublie qu'ils sont aussi au-dessus du lot quand ils s'accrochent à un objectif en faisant fi de l'adversité, même la plus cruelle. C'est comme si leur mental était compartimenté, et que dans un des tiroirs, on y range quelques peines. Celle de Joannie Rochette doit être immense, et je ne voudrais pas me retrouver dans sa tête endolorie, comme je n'aurais pas aimé être à la place de cet entraîneur qui lui a annoncé l'inadmissible nouvelle...

Ni les applaudissements nourris, ni les claquements de mains tragiques dans l'enceinte de la patinoire où elle tentera de remporter un titre à la symbolique très forte en pareille circonstance, n'inverseront la pendule du destin. Les récompenses suprêmes comme les millions en banque sont bien peu de chose face à l'absence d'un être cher. Si le deuil de cet ange blond ne laisse personne indifférent, c'est parce qu'il vient rappeler que la faucheuse ne respecte aucun protocole, ne connaît aucune pause, même olympique. Elle frappe partout, tout le monde, en se foutant bien des happy-ends, et encore moins du scénario rêvé qui se dessinait à Vancouver. Celui d'une championne pleine de promesses qui finit médaillée devant ses parents fiers et comblés. On connaît la suite. Le Canada entier ne suffira pas à remplir ce siège vide, plein à craquer d'absence.

Chapeau bas, Mme Rochette. La victoire ou la défaite sans rougir seront de piètres mouchoirs, mais le courage dont vous faites preuve épongera bien des larmes...