Dans la foulée de la journée mondiale contre le cancer le 4 février, sont répétées comme un mantra une série de directives que les individus devraient suivre: ne pas fumer, adopter un régime alimentaire sain, faire régulièrement de l'exercice, modérer sa consommation d'alcool, etc. Appuyés par les agences de santé publiques et leur mandat de promotion de la santé, les discours scientifiques, publics et médiatiques sur la santé ont fait de plus en plus de place aux habitudes de vie, les dissociant le plus souvent des milieux sociaux dans lesquels les individus évoluent.

Dans la foulée de la journée mondiale contre le cancer le 4 février, sont répétées comme un mantra une série de directives que les individus devraient suivre: ne pas fumer, adopter un régime alimentaire sain, faire régulièrement de l'exercice, modérer sa consommation d'alcool, etc. Appuyés par les agences de santé publiques et leur mandat de promotion de la santé, les discours scientifiques, publics et médiatiques sur la santé ont fait de plus en plus de place aux habitudes de vie, les dissociant le plus souvent des milieux sociaux dans lesquels les individus évoluent.

Selon la sociologue de la santé Deborah Lupton, la santé est devenue la valeur fondamentale dans les sociétés modernes avancées et l'ensemble des proscriptions et prescriptions qui permettent de l'atteindre constituent la nouvelle morale.

Ainsi, le manque de contrôle de soi est associé à une faiblesse morale et le recours au blâme cherche à éveiller la culpabilité. En tant que régulateur des comportements, ce discours serait une version contemporaine du discours religieux, le comportement à risque étant le péché, la santé, le salut et la maladie une rétribution méritée. La sociologue a aussi débusqué ce discours dans les médias.

Il est maintenant reconnu dans le champ d'études de la santé publique que les environnements physiques et sociaux sont des déterminants fondamentaux de la santé des populations.

Les facteurs sociaux – l'inclusion sociale, la sécurité matérielle et d'emploi, les conditions de travail, la configuration urbaine, l'accessibilité à des aliments sains, l'éducation, etc. – ainsi que les facteurs environnementaux ont un impact majeur sur la santé. Selon l'OMS (2007), une amélioration de l'environnement physique dans les pays développés pourrait réduire significativement les incidences de cancer. Néanmoins, les discours publics portent principalement sur les habitudes de vie individuelles et le discours médical se concentre essentiellement sur une approche curative et des traitements de plus en plus onéreux.

Cette focalisation sur la responsabilité de l'individu pour sa santé et sur les biotechnologies est le reflet de deux puissantes idéologies dans nos sociétés: le libéralisme individualiste et la technoscience.

Les médias reproduisent les discours ambiants et participent à l'individualisation et la médicalisation de la santé. De nombreuses analyses des contenus de la presse écrite sur la santé et la maladie ont révélé une négligence des perspectives sociopolitique et environnementale. Nos propres travaux sur la couverture médiatique des maladies cardiovasculaires révèlent aussi cette tendance.

Plus spécifiquement sur la couverture du cancer dans la presse écrite canadienne, deux études sont à souligner: celle de Musso et Wakefield publiée en 2009 dans la revue Health, Risk & Society et celle de Clarke et Everest publiée en 2006 dans la prestigieuse Social Science & Medicine. Comme toutes les autres, ces études révèlent une sous-représentation importante des enjeux sociaux et environnementaux de la santé dans les médias.

Les médias sont reconnus comme étant une source de plus en plus importante d'information sur la santé et la maladie. La couverture médiatique de santé et la maladie a un impact sur les croyances, les attitudes et les comportements de santé. Les médias ont aussi un rôle politique fondamental en informant les citoyens sur les enjeux publics importants.

En couvrant mieux les aspects sociopolitiques et environnementaux du cancer, ils contribueraient à une plus grande conscientisation publique qui conduirait peut-être les citoyens à exiger de leurs gouvernements des améliorations au niveau de la qualité des environnements social et physique.