Dans son éditorial du 23 janvier, André Pratte souligne, au terme de la Rencontre économique 2010, que l'avenir économique est tributaire de l'éducation. La formation universitaire est dans de nombreux cas un préalable pour répondre aux exigences du marché du travail. C'est la stricte conséquence de la société du savoir que l'on annonce depuis plusieurs années.

Dans son éditorial du 23 janvier, André Pratte souligne, au terme de la Rencontre économique 2010, que l'avenir économique est tributaire de l'éducation. La formation universitaire est dans de nombreux cas un préalable pour répondre aux exigences du marché du travail. C'est la stricte conséquence de la société du savoir que l'on annonce depuis plusieurs années.

De même, si cela pouvait apparaître il y a quelques années comme une forme d'aboutissement, un premier cycle universitaire est loin de finir la course des apprentissages et de la formation spécialisée dans les sociétés comparables à la nôtre.

Même si le Canada se débrouille assez bien pour la formation pré-universitaire, une étude menée par le Conference Board mettait dernièrement en évidence que le Canada était dans la dernière catégorie (D) concernant le ratio des diplômés de doctorat sur la population.

Cette position de mauvais élève n'est pas nouvelle pour le Canada (dernier de 17 pays). Les chefs de file sont la Suède, la Finlande, la Suisse et l'Allemagne, pays connus pour leur ouverture et leur compétitivité. Le Globe and Mail soulignait récemment que cela n'est pas de bon augure pour notre avenir, posé en termes d'innovation et d'économie de haute performance. C'est signe de la faiblesse de notre structure des formations qui devrait pourtant soutenir une société d'avant-garde, surtout lorsqu'il s'agit d'une société de taille moyenne.

Dans l'article du Globe, paru le 6 janvier, cette carence est attribuée à l'incapacité de financer adéquatement de grandes universités de calibre international. Cela rejoint André Pratte quand il souligne que les «universités doivent être en mesure de rivaliser avec les meilleures pour ce qui est de la qualité du corps professoral et de la modernité des infrastructures de recherche».

Les 13 universités canadiennes les plus intensives en recherche (G-13) comptent seulement trois universités du Québec: l'Université de Montréal, l'Université McGill et l'Université Laval. En avril 2006, ce groupe passait de 10 à 13 sans qu'aucune université du Québec ne se soit ajoutée au cours de l'opération.

Il reste que Montréal et McGill figurent parmi les cinq universités les plus importantes. La concurrence est cependant loin d'être à armes égales. Par exemple, l'Université de Montréal dépense 2000$ de moins par étudiant que la moyenne du G-13. Pour l'Université de Montréal, maintenir une position de tête avec des ressources aussi limitées relève du tour de force.

On parle beaucoup de sous-financement du système universitaire québécois. La question a été bien documentée et montre l'écart majeur qui existe entre le Québec et les universités du G-13. Nous ne devons pas minimiser l'impact de cet écart, car d'année en année, les universités québécoises enregistrent ce désavantage à effet cumulatif.

Mais les universités canadiennes ne sont pas pour autant dans l'opulence. On commence d'ailleurs à s'inquiéter sérieusement du niveau d'endettement des universités... canadiennes. Ces dernières semaines, on a mis en évidence que les 18 universités ontariennes avaient accumulé une dette à long terme de 2,6 milliards de dollars en 2008. La moyenne d'endettement par université était de près de 150 millions de dollars. L'Université de Toronto avait une dette de 556 millions et celle d'Ottawa de 214 millions. La dette de 145 millions de l'Université de Montréal apparaît dans ce contexte presque modeste!

Sans ironie aucune, la situation ontarienne n'est pas enviable, mais elle illustre avec éclat le problème de sous-financement universitaire au Canada et l'impasse à laquelle elle conduit. La situation est la même au Québec, à ceci près que nous avons moins de dettes tout en ayant un plus grand sous-financement.

On peut se contenter de traiter le sujet à l'«échelle domestique» québécoise, mais rappelons-nous qu'à plus forte raison pour les institutions leaders au Québec, la dimension internationale s'impose car la concurrence nous conduit inévitablement à rivaliser avec les meilleures universités. On peut donc s'interroger si, au Québec, nous savons poser les enjeux dans leur véritable contexte qui est québécois certes, mais non moins canadien et international. Si nous ne cherchons plus à compter parmi les universités importantes, il faut avoir le courage de l'affirmer et poser les conditions de notre prospérité collective dans des termes plus modestes.

La question de savoir si on peut soutenir plus de cinq (voire trois) très grandes universités de recherche est posée à l'échelle canadienne. Elle n'est pas sans irriter, mais convenons qu'elle est pertinente. Parallèlement, notre égalitarisme québécois permet-il de soulever la question? Une certaine lucidité devrait nous y conduire en dépit des agacements que cela peut susciter. Toutes les universités n'ont pas la même façon de remplir leur mission et la réalité des choses exprime ces distinctions. Pourtant, le mode de financement des universités est identique et l'accent privilégie surtout l'enseignement, si bien que le profil recherche ne reçoit pas un niveau de financement approprié.

Ces questions sont complexes et ne peuvent être débattues dans un «courrier». Si nous postulons que l'avenir économique et social du Québec dépend de la formation et de la structure des compétences à haute valeur ajoutée, si nous acceptons que l'université soit un maillon stratégique dans l'atteinte de la prospérité, nous devons avoir le courage de faire les choix stratégiques concernant cette université.

Quelle place devons-nous occuper dans la communauté universitaire internationale? Quelle est la mission des diverses institutions dans notre système universitaire? Quelle est la mesure du sous-financement du système universitaire? La vision égalitariste dans le traitement des universités est-il stratégiquement fondé?

Sur un plan politique, il faut se demander si on peut très longtemps préconiser une politique d'accès basée sur la démocratisation et le service public (donc des frais de scolarité quasiment inchangés), tout en maintenant un sous-financement public. Faudrait-il plutôt envisager un relâchement des contraintes sur les frais de scolarité assorti d'un programme de bourses en accord avec la démocratisation de l'enseignement universitaire?

La r,encontre économique récente, loin d'être un fait anecdotique dans notre actualité politique, devrait nous engager dans une discussion de fond, sachant qu'elle ne peut être confinée à notre environnement intérieur. L'avenir économique du Québec dépend de notre façon de faire face à l'environnement international et cet environnement doit être partie prenante de la façon de poser et de traiter des divers enjeux, dont l'université. Les décideurs devraient par simple rigueur ne plus dissimuler les paradoxes des politiques publiques.