Corruption à la Ville de Montréal, fraude électorale à la Ville de Boisbriand, conflit d'intérêts au conseil des ministres, partisanerie sur les chèques de subvention, factures gargantuesques de bureaucrates. Il ne se passe guère une journée sans que l'intégrité de nos élus et de nos administrateurs publics soit mise en cause.

Corruption à la Ville de Montréal, fraude électorale à la Ville de Boisbriand, conflit d'intérêts au conseil des ministres, partisanerie sur les chèques de subvention, factures gargantuesques de bureaucrates. Il ne se passe guère une journée sans que l'intégrité de nos élus et de nos administrateurs publics soit mise en cause.

Pourtant, le Canada se classerait parmi les pays les moins corrompus de la planète, selon Transparency International. Cet organisme, qui définit la corruption comme l'abus d'une fonction publique à des fins d'enrichissement personnel, publie chaque année un indice de perception de la corruption (IPC). En 2008, le Canada se classait au neuvième rang des pays les plus propres au monde. Devrait-on de ce fait marginaliser les dangers de la corruption?

Notre plus grande erreur serait sans doute de considérer ces scandales comme des incidents passagers. N'y voir qu'un dysfonctionnement moral affligeant une poignée d'individus. Croire que lorsque les pommes pourries auront été démasquées – et que les journalistes auront cessé leurs désagréables inquisitions – nous pourrons recouvrer notre «monde parfait» et bénéficier à nouveau de la supériorité morale de nos politiciens et bureaucrates.

En réalité, les politiciens et les fonctionnaires sont des individus qui, en dépit de leurs contraintes morales et éthiques, peuvent parfois agir malhonnêtement lorsqu'ils estiment que le bénéfice anticipé de leur crime est supérieur à la probabilité de se faire prendre et d'en payer le prix.

Puisqu'il est admis que l'efficacité administrative du secteur public est généralement moindre que celle du secteur privé, on peut présumer qu'il en va de même de son efficacité à contrer les nombreux abus réalisés sur le dos des citoyens. Pourquoi? Tout simplement parce dans le secteur public, l'argent que les politiciens et les bureaucrates gèrent n'est pas le leur. D'où un moindre souci à combattre les abus.

La corruption est fort dommageable pour notre économie. Outre les considérations morales, elle nous empêche de bénéficier des bienfaits de la concurrence. Dans le monde de la corruption, ce n'est plus l'entreprise efficace et compétitive qui gagne les appels d'offres du secteur public, mais celle qui a les meilleurs contacts au gouvernement.

Le classement de l'IPC est d'ailleurs riche d'enseignement. Les pays les moins corrompus sont des pays prospères laissant une grande place à la concurrence et à l'économie de marché. À l'inverse, les pays se classant au bas de l'échelle, ceux chez qui on a décelé le plus de corruption, se caractérisent par leur pauvreté et par un État omniprésent.

Au Québec, on a tendance à associer l'âge d'or de la corruption politique à l'ère Duplessis. Toutefois, en 1961, la part occupée par le secteur public dans l'économie québécoise se situait à 26,7% du PIB. On peut penser qu'à l'époque, ce fléau n'affectait qu'à la marge notre économie. Aujourd'hui, la part occupée par le secteur public dans notre économie voisine les 45% (44,9% en 2006). Il serait donc périlleux de sous-estimer les dommages d'une telle corruption sur notre prospérité économique.

De toute évidence, lorsqu'on reconnaîtra que l'État s'avère un foyer propice aux abus, il est fort à parier qu'on resserrera les systèmes de reddition de comptes assujettissant nos gouvernements et qu'on implantera des règles pour limiter la part de l'économie qu'on confie au secteur public.

D'ici là, il semble que la préoccupation politique soit celle d'augmenter les impôts, les taxes et les tarifs pour contrer les déficits records de nos gouvernements. Les allégations de corruptions? On devra vraisemblablement se contenter de: «je ne suis pas au courant», «je vais m'informer» et «j'ai demandé à mon ministère d'examiner la question».