Dans un contexte où l'offre internationale excède la demande, la Chine devrait stimuler sa consommation intérieure au lieu de continuer à augmenter sa capacité d'exportation. Non seulement ce pays, mais aussi le reste du monde y trouverait son intérêt.

Dans un contexte où l'offre internationale excède la demande, la Chine devrait stimuler sa consommation intérieure au lieu de continuer à augmenter sa capacité d'exportation. Non seulement ce pays, mais aussi le reste du monde y trouverait son intérêt.

Si la Chine est perçue pendant cette crise comme un élément stabilisateur de l'économie mondiale, il s'agit là d'une apparence qui ne reflète pas la réalité. On remet souvent en question, avec raison, le statut international du dollar américain à cause de l'endettement énorme des États-Unis. Or, la devise chinoise est loin d'être prête à prendre la relève.

Plus concrètement, deux grandes politiques économiques de la Chine ont en ce moment un effet déstabilisateur. La première est son programme de stimulation économique, qui est axé non pas sur une augmentation de la consommation intérieure, mais plutôt sur des investissements dans les infrastructures (routes, réseaux électriques ou ferroviaires) et sur l'augmentation des limites globales de prêts que peuvent consentir les banques chinoises.

En fait, les montants de ces prêts ont doublé par rapport à la même période en 2008; une partie de cet argent finance l'augmentation de la capacité productive du pays, alors que le reste est investi dans les actifs financiers. Résultat: la capacité d'exportation a augmenté, et ce, surtout vers les États-Unis et l'Europe.

De plus, pour accroître leur capacité de production, les Chinois achètent beaucoup de matières premières, de sociétés qui en produisent et d'équipements pour leurs nouvelles infrastructures. Ils visent ainsi à être fins prêts lorsque la reprise économique surviendra. À court terme et à l'échelle internationale, l'impact de ce programme de stimulation économique est d'augmenter la croissance au profit des fournisseurs mondiaux d'équipements et de matières premières. Cependant, la planète souffre déjà d'un excès de production: en maints endroits, les usines ne fonctionnent pas à pleine capacité, et le taux de chômage ne cesse de s'élever.

La crise a donc révélé que le vieux modèle mercantiliste de croissance à l'aide d'exportations est brisé, puisque l'offre dépasse la demande, et particulièrement celle du consommateur américain. La Chine devrait plutôt privilégier des mesures qui accroîtront la demande intérieure de consommation et réduiront le taux d'épargne de ses habitants, au lieu d'augmenter son offre – et ce pays a toute la latitude pour le faire. En effet, si la consommation compte pour 70% du PIB américain, elle ne représente que 35% du PIB en Chine.

La seconde politique déstabilisatrice est reliée à la faiblesse de la devise chinoise. Dans le cadre d'une politique d'exportation, le yuan continue d'être fixé face au dollar américain, mais celui-ci se déprécie. Par conséquent, la devise chinoise se déprécie aussi face aux autres devises asiatiques, à l'euro et au dollar canadien.

De plus, le gouvernement chinois, par sa politique de diversification de ses énormes réserves en devises étrangères (plus de 2000 milliards de dollars américains), achète des euros en quantités telles que cela apprécie la valeur de cette monnaie face au yuan. Or, voilà qui équivaut à une intervention active afin de dévaluer le yuan. Dans une situation de fort surplus commercial, cette politique est un non-sens. Elle rappelle les dévaluations compétitives des devises de nombreux pays pendant les années 30, alors qu'on connaissait aussi une période de surplus d'offre dans le monde. Par de telles mesures, la Chine contribue à augmenter le taux de chômage dans plusieurs pays, où la devise nationale augmente de façon démesurée. Aussi, il n'est pas surprenant que le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, aille bientôt à Pékin pour discuter de la valeur du yuan.

Afin de diminuer la dépendance de la Chine face aux exportations, le yuan devrait être réévalué de façon importante. Cela permettrait d'augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs chinois et de réduire ainsi l'énorme surplus commercial de leur pays, qui s'ajoute à une offre mondiale excédentaire.

Si les États-Unis ont des choix difficiles à faire afin de réduire les déséquilibres budgétaires de leur gouvernement, c'est aussi le cas de la Chine, pour laquelle les déséquilibres concernent les surplus d'exportation. En effet, la transition d'une économie chinoise axée sur les exportations vers un modèle plus autosuffisant ne se ferait pas sans accrocs à court terme, puisque le taux de chômage dans les industries exportatrices intérieures augmenterait probablement. Toutefois, les bénéfices sont importants, car la Chine dépendrait moins d'une politique insoutenable à long terme. En outre, son économie et celles du monde pourraient se développer de façon plus durable.