Jules César avait interdit aux chariots d'entrer dans Rome avant 15h dans l'espoir d'alléger la circulation. Dans le New York de 1867, quatre piétons par semaine mouraient sous les sabots d'un cheval. Mais lorsque la bicyclette a commencé à devenir populaire à la fin du XIXe siècle, plusieurs villes ont tenté de l'interdire, sous prétexte qu'elle causait des accidents et terrorisait les chevaux.

Les bouchons et les difficultés de partager la route ne datent pas d'hier, comprend-on en lisant Traffic, un essai captivant du journaliste américain Tom Vanderbilt. Extrêmement fouillé, l'ouvrage regorge d'anecdotes sur la circulation dans le monde et à travers les âges. Mais c'est sur les questions de sécurité qu'il se révèle le plus intéressant.

Dans la nuit du 2 au 3 septembre 1967, la Suède a imposé, littéralement, un virage à 180° aux automobilistes. Eux qui avaient toujours circulé à gauche ont dû adopter la conduite à droite. Résultat? Le nombre d'accidents a diminué à un point tel qu'il a fallu un an avant qu'il remonte à ce qu'il était avant le changement. «Sous l'impression que les routes étaient moins sûres, les conducteurs suédois se sont montrés plus prudents», explique l'auteur de Traffic.

Ce constat revient comme un leitmotiv: les aménagements qui paraissent sûrs sont souvent les plus risqués. Il peut être rassurant, lorsqu'on emprunte une petite route la nuit, d'apercevoir des panneaux réfléchissants dans les courbes. En Finlande, toutefois, on a constaté qu'ajouter de tels réflecteurs fait augmenter la vitesse... et le nombre d'accidents.

Ce faux sentiment de sécurité met aussi en péril les autres usagers de la route. Les conducteurs apprécient les intersections larges où les virages sont faciles. Sauf qu'elles les incitent, à leur insu, à aller plus vite. Très dangereux pour les piétons.

Des simulations en laboratoire ont démontré que les conducteurs réagissent de façon plus prudente lorsqu'ils ignorent les intentions d'un cycliste que lorsque celui-ci fait un signal clair avec son bras. Et sur la route, ils le frôlent de plus près lorsqu'il porte un casque. Autrement dit, lorsqu'un cycliste adopte des comportements responsables, l'automobiliste fait moins attention à lui. Pas très rassurant.

En fin de compte, la majorité des problèmes de circulation peuvent se résumer en une équation très simple. Puisque chacun des usagers agit, la plupart du temps, en fonction de ses intérêts propres, il ne faut pas s'étonner que l'ensemble qui en résulte, le trafic, soit souvent hasardeux et inefficace. Ralentir sur l'autoroute pour regarder un accident est une manie détestable qui réduit le débit d'environ 13% et cause de nombreux accrochages. Et pourtant, combien de conducteurs résistent à cette curiosité malsaine?

Les gens, affirme Tom Vanderbilt, conduisent comme des idiots. Mais comme il le démontre de maintes façons, la complexité de la circulation et les aménagements mal pensés y contribuent pour beaucoup.