Il semble bien que le hockey junior ait servi une habile mise en échec à la ministre Michelle Courchesne. Car son intention d'interdire les bagarres a été diluée au point où la Ligue junior majeure du Québec n'a finalement convenu que de deux choses : des pénalités plus sévères pour la violence gratuite, et des suspensions automatiques pour les entraîneurs lors des "bagarres multiples".

Il semble bien que le hockey junior ait servi une habile mise en échec à la ministre Michelle Courchesne. Car son intention d'interdire les bagarres a été diluée au point où la Ligue junior majeure du Québec n'a finalement convenu que de deux choses : des pénalités plus sévères pour la violence gratuite, et des suspensions automatiques pour les entraîneurs lors des "bagarres multiples".

Pour le reste, les joueurs continueront de jeter les gants sur la glace de l'aréna Robert-Guertin, ce soir et toute la saison durant, et partout ailleurs à travers le circuit présidé par Gilles Courteau.

Sous les applaudissements d'une bonne partie de la foule et le regard généralement approbateur de leurs dirigeants, ils se rendront au banc des pénalités et purgeront toujours un "gros" cinq minutes sur le banc, avant de reprendre leur tour sur la glace.

L'arnaque

La ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport a beau connaître davantage le hockey que bien de ses collègues au cabinet de Jean Charest - son fils a joué dans la LHJMQ -, elle s'est fait enfirouaper par les belles paroles de l'establishment du hockey qui a vite trouvé des manières de balayer les intentions vertueuses de la politicienne.

Le comité consultatif et la Ligue junior majeure ont vite sauté sur des nuances linguistiques et se sont attardés à officialiser des mesures pour contrer ce qui a été qualifié de "violence gratuite". L'assaut du gardien Jonathan Roy à l'endroit de son vis-à-vis Bobby Nadeau, le 21 mars dernier pendant une rencontre entre les Remparts de Québec et des Saguenéens de Chicoutimi, tombe exactement dans cette catégorie de "violence gratuite". Elle est exceptionnelle et un consensus n'a pas tardé à émerger à ce sujet. Même chez les plus conservateurs des amateurs et dirigeants.

Mais le chemin est long entre la "violence gratuite" et les souhaits de la ministre Courchesne de voir à ce que des joueurs y pensent à deux fois avant de jeter les gants. À ce dernier chapitre, le circuit junior n'a certes pas livré la marchandise. Au contraire, elle réitère que, pour ce qui concerne les bagarres "sous le coup de l'émotion" et qui durent 10 secondes, "cet aspect-là n'est pas un problème majeur".

Rien ne sera donc fait.

Et plus personne ne parle d'"états généraux" sur le hockey, comme l'avait lancé le député fédéral Denis Coderre. Ni d'arrimer des sanctions sévères, dont l'expulsion automatique après une bagarre, avec les deux autres ligues junior au Canada, ce sur quoi la ministre Courchesne avait travaillé avec ses homologues des autres provinces canadiennes. Évaporées, ces belles intentions !

Expulser l'instigateur

Quant à la menace d'une expulsion pour avoir été l'instigateur de la rixe, l'expérience de la Ligue nationale de hockey démontre que cela ne fonctionne pas. Une mesure semblable avait été adoptée, dans les années 1980, et les joueurs se sont vite adaptés en jetant les gants simultanément : sauf exception, l'arbitre ne pouvait infliger de pénalité supplémentaire. Ça sera vite la même chose chez les juniors. Et le nombre de bagarres ne chutera pas, ou de si peu.

La ministre sera déçue d'avoir été bernée mais elle aurait dû s'y attendre : le monde du sport est très réfractaire aux interventions de l'extérieur. La réaction du gouverneur des Olympiques de Gatineau, Charles Henry, a d'ailleurs été typique. "Qu'elle s'occupe d'interdire les combats extrêmes au Québec ! Là, il y en a, de la violence !"

M. Henry n'a évidemment pas tort sur le fond : les sports de combat devraient faire l'objet d'une plus grande suspicion. C'est d'ailleurs sur ça que la défunte Régie de la sécurité dans les sports avait fini par concentrer beaucoup de ses énergies, il y a 20 ans. Mais l'habile sortie de M. Henry ne sert qu'à détourner les feux de la rampe du fait que la LHJMQ continuera tranquillement son petit bonhomme de chemin, cette saison, sans s'inquiéter de la ministre Courchesne... dont la fureur anti-hockey a été calmée pour un moment. Lorsqu'un autre triste épisode surviendra, les chances sont bonnes qu'elle aura changé de ministère, ou sera passée à autre chose. Et un autre ministre sera mûr pour se faire avoir à son tour !

Fins manieurs de patates chaudes, ces gens du hockey !

pjury@ledroit.com