Il est ironique que deux des principaux alliés aux partis d'opposition dans cette élection fédérale se retrouvent en politique provinciale. Ce sont Dalton McGuinty, premier ministre de l'Ontario, et son homologue Danny Williams, de Terre-Neuve et Labrador.

Il est ironique que deux des principaux alliés aux partis d'opposition dans cette élection fédérale se retrouvent en politique provinciale. Ce sont Dalton McGuinty, premier ministre de l'Ontario, et son homologue Danny Williams, de Terre-Neuve et Labrador.

Traditionnellement, les politiciens qui oeuvrent à d'autres ordres de gouvernement se tiennent tranquilles pendant qu'une campagne s'agite à un autre niveau. Cette fois-ci, ce n'est pas le cas. Mais la vraie nature de leurs doléances face au gouvernement conservateur de Stephen Harper reste à se faire entendre à la grandeur du pays. Jusqu'ici, leurs cris et leurs appels à considérer l'élection d'un autre parti que le Parti conservateur n'ont pas franchi les frontières de leurs provinces respectives.

Danny Williams, pourtant, ne s'est pas gêné pour se lancer dans le débat au fédéral. Déjà la semaine dernière, le premier ministre (conservateur !) de Terre-Neuve sondait son caucus quant à sa plus récente initiative, une campagne "ABC " (Anyone But Conservative Tout sauf les conservateurs).

Cour suprême

Et dès lundi, 24 heures après le déclenchement des élections, Stephen Harper se faisait attaquer à Saint-Jean pour son choix d'un Néo-Écossais pour combler le siège vacant à la Cour suprême. Les Terre-Neuviens, qui n'ont jamais vu l'un des leurs accéder au plus haut tribunal au pays en 59 années au sein de la Confédération, considéraient que leur tour était venu. Il semble bien qu'ils devront attendre encore quelques années encore.

Rappelons que Danny Williams n'a jamais pardonné à Stephen Harper lorsque ce dernier a inclus les revenus pétroliers offshore dans le calcul des paiements de péréquation, contrairement à ce qu'il avait promis pendant la campagne de 2006.

En Ontario, M. McGuinty n'est pas aussi virulent sur la forme mais, sur le fond, ses doléances sont tout aussi importantes.

Officiellement, le premier ministre libéral défend sa province et veut savoir ce que chaque parti pourra faire pour aider l'Ontario au cours des prochaines années. Il soutient que la péréquation lui coûte cher, que l'Ontario ne reçoit pas sa juste part du budget fédéral pour les soins de santé, et même que les chômeurs ontariens ont de plus petits chèques que ceux de l'Ouest !

Il a par ailleurs certainement raison de se faire le défenseur du secteur industriel ontarien, particulièrement le secteur de l'automobile, durement touché par le ralentissement économique aux États-Unis.

Les conservateurs, apôtres du laisser-faire, ont refusé de créer des programmes d'aide à divers secteurs industriel (jusqu'à la semaine passée, lorsqu'ils ont mis un prêt de 80 millions $ à la disposition de Ford pour que le constructeur rouvre usine à Windsor). Cette position des Bleus a donné lieu à d'acrimonieux échanges entre le ministre des Finances à Ottawa, Jim Flaherty, et le cabinet McGuinty.

Ces sorties signalent haut et fort que le devoir de réserve des politiciens s'avère de plus en plus une chose du passé. Ce "gentlemen's agreement " ne tient plus la route : les élus doivent défendre leurs circonscriptions, leurs gouvernements, et si une décision d'un autre gouvernement les lèse dans cette défense de leurs contribuables, grand bien leur fasse.

Le ministre John Baird ne s'en est d'ailleurs pas gêné dans le dossier du train léger à Ottawa. En pleine campagne à la mairie, il a jeté un énorme pavé dans la mare du maire sortant Bob Chiarelli, un ancien adversaire libéral, ce qui a contribué à l'entrée en scène de Larry O'Brien.

Charest

Il ne faudrait d'ailleurs pas s'étonner si Jean Charest se permettait une sortie publique pendant cette campagne, si les conservateurs reviennent publiquement avec leur plan de réformer le Sénat sans passer par une modification de la Constitution. Il en va là de la défense des intérêts et des institutions du Québec ; perturber l'équilibre entre le Sénat, la Chambre des communes et les provinces ne peut se faire unilatéralement et M. Charest, flanqué du ministre Benoît Pelletier, devrait profiter de la campagne pour réitérer la position ferme du Québec dans ce dossier.

Si Stephen Harper devait diriger un gouvernement majoritaire, qui sait quelle idée pourrait lui venir à ce chapitre ?

pjury@ledroit.com