La prochaine campagne électorale au fédéral portera principalement sur l'économie. Voilà qui n'est pas trop mal pour Stephen Harper... et qui doit vraiment embêter Stéphane Dion.

La prochaine campagne électorale au fédéral portera principalement sur l'économie. Voilà qui n'est pas trop mal pour Stephen Harper... et qui doit vraiment embêter Stéphane Dion.

Le chef du Parti libéral du Canada n'avait qu'une marotte, à son arrivée en politique : les relations Québec-Ottawa. Ce n'est qu'un peu le fruit du hasard, et un peu faute de trouver un autre titulaire en qui il pourrait avoir confiance que Paul Martin lui a confié le portefeuille de l'Environnement. M. Dion a surpris et s'est bien débrouillé. Au point où il a pu se servir de cet héritage vert - solide, quoique pas de longue date - pour remporter la course à la direction du PLC, en décembre 2006.

Mais de l'économie ? Personne n'a entendu Stéphane Dion en parler jusqu'ici.

Que la prochaine élection fédérale se décide sur le thème de l'économie, voilà qui n'est pas une bonne nouvelle pour les libéraux. D'autant plus que derrière M. Dion, ils ne peuvent compter sur un ténor crédible dans le domaine. Ce n'est pas le dada de Michael Ignatieff, et encore moins celui de Bob Rae, dont les remèdes néo-démocrates ont blessé l'Ontario dans les années 1990... au point de la jeter dans les bras de Mike Harris, en 1995. Stéphane Dion ne peut se tourner non plus vers Ken Dryden, Martha Hall Findley, Gerald Kennedy, Marc Garneau ou un des anciens comme John McCallum.

Bref, ça n'augure pas bien pour les libéraux. À moins qu'ils ne se trouvent un nouveau candidat solide en affaires pour se joindre au parti. Car les Canadiens veulent être rassurés sur l'avenir économique de leur pays - un citoyen sur cinq en fait l'enjeu principal de la campagne qui s'annonce, selon un sondage Globe and Mail/CTV, rendu public hier. Les contribuables voient bien le ralentissement économique profond qui a cours aux États-Unis et se demandent quand le ressac nous frappera, au nord de la frontière. Statistique Canada a beau nous rassurer à l'effet que nous n'aurons peut-être pas une récession en bonne et due forme, le dernier creux économique remonte au début des années 1990... à l'époque du gouvernement conservateur de Brian Mulroney.

(Localement, la région a par ailleurs souffert de l'éclatement de la bulle technologique, au début de 2000, et de 45 000 pertes d'emploi dans la fonction publique fédérale.)

Ce talon d'Achille de Stéphane Dion, les conservateurs ne se gênent évidemment pas pour l'exploiter. Ils détournent à bon escient le "Tournant vert" de M. Dion pour n'en exposer que le côté sombre, celui qui touche l'aspect financier, celui d'une augmentation des taxes à la consommation. Cette taxe sur le carbone est qualifiée de "dangereuse"... et potentiellement injuste, a laissé planer le député Jason Kenney, hier. Il y aurait "des ententes particulières secrètes" pour alléger le fardeau fiscal d'une ou plusieurs provinces, etc.

De ce piège, M. Dion doit s'extirper avec les faiblesses qu'on lui connaît : inexpérience des affaires économiques et budgétaires, difficulté à s'exprimer clairement en anglais, complexité de son programme environnemental. Bref, ce politicien qui n'a jamais su se défaire de son habit d'universitaire demande aux Canadiens, dans une langue ou un niveau de langage ardu, demande de le suivre dans sa profession de foi pour lutter contre les changements climatiques qui fera augmenter les impôts de certains et les taxes sur les énergies non-renouvelables... alors qu'ils veulent parler d'économie. Tout cela, sans jamais avoir fait ses preuves dans la gestion de nos dollars ! Reconnaissons que la côte paraît difficile à gravir... avant même que la campagne électorale ne démarre !

Mais rien n'est impossible, encore moins en politique. Stéphane Dion et la troupe libérale ont leur destin en main, et cela vaut aussi pour les adversaires conservateurs, néo-démocrates, bloquistes, verts et autres indépendants. La campagne promet cinq semaines de chassé-croisé entre toutes ces forces... et la possibilité que l'actualité vienne perturber tout cela. Alors aujourd'hui, l'économie est au menu mais dans deux semaines, cela a le temps de changer plusieurs fois ! C'est ce que Stéphane Dion doit souhaiter...

pjury@ledroit.com