L'auteur, Guy Langevin, est un artiste de Trois-Rivières. Le gouvernement fédéral a fait savoir qu'il abolissait plusieurs programmes de financement pour l'exploration dans le domaine des arts. Les raisons qui semblent pousser le gouvernement à agir de la sorte sont multiples, mais celles qu'il a énoncées seraient surtout fallacieuses. Je me fais plaisir en vous livrant mes réflexions sur certaines de ces affirmations.

«Le gouvernement préfère accorder son aide à des représentations commerciales»... Il m'a toujours semblé que ces programmes, dont le principal était géré par le ministère des Affaires extérieures, venaient en aide à ce type d'activités!

Les artistes, quand ils se déplacent pour organiser ou monter des événements, des spectacles, des expositions, font justement des affaires, du commerce. Ils essaient de rejoindre un public qui correspond à leur type d'activité, là où il se trouve. L'art n'est pas un domaine où on se plie aux exigences du public (où serait alors l'originalité?), mais où on essaie de rejoindre un public auquel correspond le travail proposé.

Un certain pourcentage de la population est consommateur d'art, plus la production est particulière, plus ce pourcentage est restreint.

Il faut donc, pour rejoindre une masse critique, exporter le travail et trouver les créneaux qui le serviront dans des pays et des cultures différentes. Il faut, pour y arriver, avoir la possibilité d'y faire de l'exploration.

Ne trouvez-vous pas curieux que tout le monde applaudisse à la création de délégations commerciales et qu'une recherche de ce type, dans le domaine de l'art, soit considérée comme un gaspillage? Personnellement, la seule différence que j'y voie, c'est que les délégations culturelles sont souvent plus efficaces et donnent des résultats plus directs. Nous n'avons pas le loisir de faillir dans nos recherches, nous n'en avons pas les moyens.

«Les artistes représentent mal le Canada à l'extérieur». Elle est bien bonne, celle-là! Qui, mieux que les artistes et leur travail, peut mieux représenter la culture distincte d'un peuple, d'une société ou d'un pays? Bien sûr, on ne fait pas dire ce que l'on veut aux artistes, pour certains politiciens, c'est un très vilain défaut, pour une société, c'est une marque d'avancement social.

J'ai personnellement eu la chance de participer de plusieurs façons à des missions de représentations à l'étranger, soit comme invité, soit à mon initiative.

Les quelques fois où j'ai reçu une aide gouvernementale pour de tels déplacements, cette aide ne couvrait jamais les frais en entier, rarement plus du tiers des coûts d'un déplacement, tandis qu'il m'est arrivé à quelques reprises de me voir invité par un gouvernement étranger et que les frais soient entièrement pris en charge par eux.

Il m'est arrivé dans des expositions à l'extérieur du pays, souvent même sans avoir reçu un cent du gouvernement, de voir débarquer les ambassadeurs du Canada, venus spécialement pour décrire la diversité culturelle canadienne, la grande importance des artistes dans notre pays. Ce gouvernement se pète les bretelles de notre présence et de notre dynamisme, mais nous coupe les vivres.

«Certains montants n'ont pas été utilisés correctement». On nous dévoile que des montants auraient été versés à des organismes non artistiques, même à un juge pour se rendre dans un congrès à partir des fonds de ce programme. Que je sache, ce programme et les projets qui y sont présentés sont analysés par une équipe de fonctionnaires du ministère.

Ce n'est quand même pas la faute des organismes artistiques si le ministère lui-même ne respecte pas ses règles. Les artistes et les organismes qui font des demandes dans ces programmes le font dans le respect des programmes et des règles, ils doivent impérativement répondre aux critères et produire un rapport qui prouve l'utilisation des fonds dans ce cadre.

Il me semble que ça devrait être les artistes qui dénoncent une mauvaise utilisation de fonds qui devraient leur être réservés plutôt que de les voir coupés ainsi.

On peut aussi discuter des manières de notre gouvernement, qui abolit ces programmes en fin d'été, alors que le milieu culturel, comme le reste de la population, profite de la relâche estivale. Il a fallu une «fuite» pour que la population, et même le milieu artistique, soit informé de ces intentions (le mot est faible). Nous ne sommes pas loin de l'hypocrisie!

En fait, ce que nous voyons actuellement, c'est une prise de contrôle, de censure que veut opérer la droite ultramontaine sur la diffusion des arts, comme dans le reste des institutions de ce pays.

Ce qui ne plaît pas, c'est la liberté d'expression. Cette liberté est pourtant une des valeurs fondamentales de ce pays, que je sache...

Les artistes peuvent être fiers du travail qu'ils font et des efforts qu'ils déploient pour le diffuser. Ils oeuvrent dans un domaine difficile et leur travail vaut bien l'aide que trop peu de programmes mettent à leur disposition.

Amener notre travail sur la scène internationale est un travail exigeant, je pense pouvoir dire que j'en parle d'expérience!