On sait qu'on vient de sombrer dans l'absurde américain lorsque Paris Hilton déclare qu'elle est candidate à la présidence des États-Unis.

On sait qu'on vient de sombrer dans l'absurde américain lorsque Paris Hilton déclare qu'elle est candidate à la présidence des États-Unis.

La vamp blonde, qui a le talent de sa volupté, a fait un numéro de campagne tout spécial sur Internet la semaine dernière pour annoncer la " nouvelle " de sa candidature. En bikini, évidemment. Et c'est la faute de John McCain.

Il fallait s'y attendre. Quand on joue dans le grandiose et les folichonneries, ce n'est qu'une question de temps avant qu'on attire les folichonnes qui se pensent grandioses.

Tout a commencé, ma foi, en Allemagne. On se souviendra de ce discours de Barack Obama devant une foule en délire de quelque 200 000 Berlinois. L'événement en soi était assurément mémorable. Mais c'est la suite dont les Américains risquent de se souvenir le plus.

John McCain s'est retrouvé noyé dans le déluge de couverture médiatique presque invariablement favorable accordé au voyage d'Obama en Europe et au Moyen-Orient. Des médias obnubilés par sa superbe éloquence et l'adulation mondiale semblaient l'avoir déjà élu président. McCain n'était devenu qu'un inconvénient importun bloquant momentanément l'accès au tapis rouge vers le 1600, Pennsylvania Avenue.

Il fallait qu'il fasse quelque chose. N'importe quoi.

Les stratèges du camp McCain ont décidé de prendre le minotaure par les cornes et de s'attaquer effrontément à la plus grande force de Barack Obama : son auréole de superstar. Ils ont imaginé un message publicitaire qui défiait toutes les lois de la logique électorale en vantant la popularité de leur adversaire.

" Un chef ? "

Le message commençait par des images de Obama à Berlin devant ses fans en liesse pendant qu'un narrateur disait simplement du candidat démocrate : " Il est la plus grande célébrité au monde ". À l'image émergeaient les minois de Paris Hilton et d'une autre sommité de la modestie et de la décence, Britney Spears. Et le narrateur de conclure : " Mais, est-il un chef ? (But can he lead ?) "

Le camp Obama et la chorale démocrate ont crié au meurtre. Comment oser comparer Barack Obama à ces deux coquettes écervelées. Certains y ont vu les plus vils messages subliminaux. Même les républicains ont trouvé la publicité stupide.

Sauf qu'il ne faut pas avoir observé les États-Unis pendant très longtemps pour savoir que la stupidité y fonctionne souvent merveilleusement bien.

Non seulement le commercial de McCain a-t-il eu un impact certain, mais les réseaux américains le diffusent encore deux semaines plus tard. Ce qu'un expert a évalué à au moins 50 millions $ en publicité gratuite.

C'était brillamment stupide. Sans compter que ça rend les images d'Allemagne inutilisables pour Obama.

Et, au moment où la frénésie semblait finalement se calmer, c'est la belle Paris qui a remis le feu aux poudres avec son propre message. La stupidité fait des petits. Et le bal recommence dans les médias.

Avec le résultat que McCain a soudainement pris le contrôle de la campagne et qu'Obama, déstabilisé, est en mode réaction total. Il faut dire que les stratèges démocrates lui ont martelé le cerveau à dire qu'il lui fallait counterpuncher chaque coup donné par l'adversaire. Convaincus qu'ils sont que John Kerry a été défait par Bush parce qu'il a laissé trop d'attaques passer sans répliquer.

Gonfler ses pneus...

Mais, quand McCain folâtre allégrement dans la bêtise, Obama se retrouve en train de véhiculer les sottises où il est lui-même le dindon de la farce.

Prenons la question énergétique, qui est l'une des priorités de l'électorat américain ces jours-ci. John McCain s'amuse depuis trois semaines à dire que le programme énergétique de Barack Obama est de dire aux Américains de bien gonfler leurs pneus.

C'est que le candidat démocrate a eu le malheur de répondre à une question d'un électeur qui voulait savoir comment il pouvait contribuer à combattre la crise de l'énergie en disant lui disant précisément de bien gonfler les pneus de son auto.

Le Parti républicain, emboîtant le pas sur le ridicule de McCain, a fait distribuer des jauges de pression d'air avec la mention : " La politique énergétique de Barack Obama ".

Obama a décidé qu'il riposterait à cette insulte. Dans un de ses discours il s'est donc mis à raconter ce coup bas des Républicains. Il a eu l'air un peu hébété quand sa propre foule a trouvé la blague bien bonne et a éclaté spontanément de rire.

Tous les observateurs et journalistes commencent depuis une semaine à poser la question : " Avec tout ce qui va mal au pays, pourquoi Obama n'arrive-t-il pas à distancer McCain ? " Le dernier sondage ne lui donnait encore que cinq points d'avance, mais certains sondages ne lui en donnent que deux.

Plus encore, quand on a demandé aux Américains s'ils en avaient assez de voir les candidats à la télé, presque la moitié ont répondu qu'ils avaient assez vu Obama, dont un tiers des répondants démocrates. Seulement 20 % ont dit la même chose de McCain.

Le candidat a donc profité des Olympiques pour prendre une semaine de vacances dans son état natal de Hawaï. Et il s'est retrouvé à commenter l'invasion de la Géorgie par la Russie après une partie de golf. Pas très " présidentiel ".

La campagne Obama commence à donner des signes qu'elle est soutenue par un coussin d'air... plus ou moins bien gonflé.

mgratton@ledroit.com