Confier l'organisation des Jeux olympiques de 2008 à la Chine était un pari osé pour le Comité international olympique. Surtout qu'entre le vote et l'ouverture, il se passait sept années pendant lesquelles tout peut survenir, même une guerre mondiale. Personne n'aurait d'ailleurs prévu qu'à trois mois des Jeux, ce serait le Tibet qui ferait la manchette au cours d'un parcours de la flamme olympique qui allait se terminer en queue de poisson !

Confier l'organisation des Jeux olympiques de 2008 à la Chine était un pari osé pour le Comité international olympique. Surtout qu'entre le vote et l'ouverture, il se passait sept années pendant lesquelles tout peut survenir, même une guerre mondiale. Personne n'aurait d'ailleurs prévu qu'à trois mois des Jeux, ce serait le Tibet qui ferait la manchette au cours d'un parcours de la flamme olympique qui allait se terminer en queue de poisson !

Jusqu'au vote tenu en 2001, la Chine n'était préoccupée que par une chose, combler le retard économique en se servant de quelques atouts : une population fière, industrieuse et peu chère, un marché de ressources premières abordable, des réserves financières insoupçonnées à l'Ouest. Pays le plus populeux de la Terre, le CIO misait sur le fait que la Chine ne pourrait ni ne voudrait demeurer longtemps sur les lignes de côté. Accueillir les JO serait un moteur d'ouverture, croyait le CIO.

Personne ne doutait des capacités d'accueil de la Chine, de sa possibilité de tenir des Jeux olympiques aussi exceptionnels que les éditions vantées de Montréal, en 1976, et de Sydney, en 2000, notamment. Pari tenu.

De fait, la Chine a fait des JO de 2008 son grand chantier national pour lequel rien ne serait laissé au hasard, ni épargné. La qualité des installations olympiques a fait consensus, ainsi que le soin consacré à l'accueil de milliers d'athlètes et d'accompagnateurs, de journalistes et de touristes, avec leurs milliers de caméras inquisitrices. À Pékin, tout aux Jeux s'est passé sur des roulettes, rapporte-t-on. De tous les sacrifices qui ont été exigés par des millions de Chinois à des lieues de la capitale, nous en avons moins entendu parler. On a fermé leurs usines pour dépolluer Pékin, on les a privés de revenus, on a détourné leur eau pour verdir la ville olympique, on les a mis leurs autos au rancart, etc.

Et au lieu que la Chine en profite pour s'ouvrir sur le monde, la Chine en a au contraire profité pour camoufler tous les côtés moins photogéniques de sa personnalité - quartiers traditionnels rasés, protestataires bâillonnés, problèmes sociaux cachés, etc. Tout cela n'est pas étonnant : tous les pays ont voulu se mettre beau pour accueillir la visite. D'autres villes olympiques avant Pékin auront enfermé leurs mendiants, sabordés leurs affiches perçues comme offensantes, aplani au bulldozer des taudis pour y ériger du beau, du neuf, du spectaculaire.

La nature totalitaire du régime chinois a juste permis de tout faire cela plus vite qu'ailleurs alors que toutes les voix discordantes sont muselées. Pas de protestation, pas d'arbitrage, pas de négociations, pas de traces. Cette unité de pensée (à tout le moins dans le discours public) a permis d'offrir au monde des Jeux bien plus verts que l'on ne pouvait le prévoir il y a un an, ou même un mois avant les Jeux, alors qu'un ciel gris se drapait au-dessus de Pékin. Le ciel de Pékin ne devait pas être bien plus gris que celui d'Athènes, le site précédent des Jeux, en 2004.

Au chapitre de l'ouverture sur le monde, tous craignaient le contrôle de tous les instants de l'outil de communication qu'est devenu Internet. Quelques accrocs, bien sûr, mais pas de révolution par les utilisateurs. Pour les Chinois curieux, c'était toujours inaccessible.

Pékin et la Chine ont gagné le pari olympique du CIO. La Chine n'est plus perçue comme un Tiers-monde social qui ne sert qu'à usiner des babioles à 1 $. Lorsqu'elle s'y consacre, elle peut tout réussir. Dans cinq, 10 ou 20 ans, nous saurons si 2008 aura été une année charnière dans l'ouverture de la Chine vers un monde plus démocratique, plus tolérant, ou simplement une grande opération de marketing de la Chine vers un monde plus économique, plus consommateur. Le ruisseau d'ouverture qu'a provoqué les Jeux olympiques pourra-t-il se transformer en autre chose qu'une rivière ? L'histoire se tisse lentement mais une fois la fenêtre d'opportunité entrouverte, les Chinois voudront un jour l'ouvrir pour voir dehors, au grand air. Un jour.