Victor Surerus affirme que les 2700 $ qu'il a déboursés pour acheter son premier téléphone cellulaire, il y a 30 ans, en valaient la peine.

C'était au mois de juillet 1985 et M. Surerus avait besoin de ce téléphone pour l'aider à gérer ses activités d'entrepreneur de pompes funèbres à Peterborough, en Ontario. Le téléphone était relié à une antenne dans sa voiture et venait avec son propre sac de transport.

Son contrat avec Bell a fait de lui le premier client cellulaire au Canada, affirme-t-il, un honneur qui n'est pas venu sans frais. À cette époque, sa facture annuelle atteignait environ 10 000 $.

«De cette manière, on avait la liberté de faire des choses sans être enchaîné, a-t-il dit lors d'un entretien depuis son domicile de Roseneath, en Ontario. Le prix était élevé, mais ça en valait la peine.»

Les communications cellulaires au Canada ont débuté avec un appel entre Art Eggleton et Jean Drapeau, respectivement maires de Toronto et Montréal, le 1er juillet 1985.

Les monopoles régionaux qui dominaient l'industrie téléphonique au début des années 1980 s'inquiétaient de voir les téléphones cellulaires venir perturber leur emprise sur presque chaque aspect du marché.

Francis Fox, qui était alors le ministre des Communications, a expliqué que les compagnies de téléphone ont ardemment défendu leur territoire en affirmant que l'industrie était lourdement réglementée et que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) était là pour protéger les consommateurs.

«Leur slogan était toujours: "On ne répare pas ce qui fonctionne bien"», s'est-il rappelé.

Faisant fi de la pression qu'exerçait l'administration Reagan pour que le gouvernement canadien accorde un contrat à une compagnie américaine, M. Fox et son équipe ont alloué les droits du premier réseau cellulaire privé à une compagnie qui est par la suite devenue l'un des trois gros joueurs du secteur de la téléphonie sans fil: Rogers.

«Évidemment, nous croyions que ça allait favoriser la concurrence, ce qui allait entraîner de l'innovation, des nouveaux produits et de plus bas prix pour les consommateurs», a expliqué M. Fox.

Les récentes querelles entre le gouvernement fédéral et Rogers, Telus et Bell sur la concurrence lui rappellent les disputes qu'il a entendues il y a 30 ans, à l'égard des monopoles.

«Le passé est garant de l'avenir», a-t-il dit.

Le vice-président exécutif de Rogers Sans-Fil, Raj Doshi, s'est joint à la compagnie en 1989, alors qu'elle s'appelait toujours CanTel AT&T et que les téléphones cellulaires étaient encore des accessoires de luxe.

M. Doshi a toujours un exemplaire encadré de la publicité originale de Cantel en janvier 1985 qui annonçait «la fin de la ligne téléphonique» dans son bureau pour lui rappeler qu'à l'époque, la concurrence était moins importante que le fait d'expliquer aux gens pourquoi ils devaient débourser des milliers de dollars pour un téléphone cellulaire.

«Lorsqu'on parlait d'intensité concurrentielle, c'était beaucoup plus centré sur le fait de mettre les gens au courant de la proposition plutôt que de la pure concurrence entre les deux fournisseurs, a-t-il expliqué. Le potentiel de croissance du marché était essentiellement la population canadienne entière.»

Wade Oosterman, qui est maintenant le président de Bell Mobilité, n'en garde pas le même souvenir. Au milieu des années 1980, il a travaillé en collaboration avec George Cope, aujourd'hui chef de la direction de Bell, afin de mettre à mal Clearnet Communications, qui a par la suite été racheté par Telus.

«C'était concurrentiel dès le départ, a-t-il analysé. Le coût de mise sur pied du réseau au Canada est extrêmement élevé: de grandes étendues de terre, relativement peu de gens. Quand tu dépenses autant d'argent pour déployer un réseau, chaque client compte.»

Les prix élevés des téléphones cellulaires ont éventuellement diminué avec les avancées technologiques et l'arrivée de nouveaux concurrents comme Wind Mobile et Vidéotron, tandis que d'autres joueurs, comme Public Mobile et Mobilicity, ont été avalés par les trois géants du secteur. Les acteurs régionaux comme Sasktel et MTS ont trouvé leur marché dans les Prairies et sont devenus dominants dans leur région.

«Le Canada et chaque personne qui a joué un rôle dans l'évolution du marché devrait être fier de l'état de l'industrie du sans-fil au pays et des avantages qu'il procure aux consommateurs et aux entreprises», a conclu M. Oosterman.