Il n'y a pas que la neige, la dinde et la liste de cadeaux qui font un grand retour à chaque décembre. Il y a aussi les disques de «Nowell », avec leurs cantiques, leur incontournables et leurs rigodons. Depuis une quinzaine d'années, de nombreux artistes d'ici proposent des albums dont la quantité et la qualité augmentent de pair. Coup d'oeil sur l'industrie de l'album de «Nowell» fait au Québec et sur la moisson 2005.

Oh, quand j'entends chanter Noël, j'aime à revoir mes joies d'enfant, assure la célèbre chanson Noël blanc. Revoir? Peutêtre pas. Mais entendre, ça, oui. Car le disque de Noël est inextricablement associé à l'enfance: la majorité d'entre nous connaissent par coeur au moins un «record de Noël», celui qui jouait à la maison pendant tout le moisde décembre, quand nous avions 6, 7 ans!Depuis une quinzaine d'années maintenant, les enfants et adultes du Québec ont toutefois pu élargir leur répertoire intime en y intégrant de nouveaux albums de Noël réalisés ici même, avec un souci de qualité indéniable. De Ginette Reno à Laurence Jalbert, de Patrick Norman à Marie-Michèle Desrosiers (qui en a fait deux!), sans oublier les beaux disques classiques lancés annuellement dans le temps des Fêtes par la compagnie Analekta, chaque année a eu son lot d'albums «noëlesques» dignes de figurer dans nos souvenirs. En fait, depuis qu'André Gagnon a lancé son très bel album Noël en 1992, ces disques «made in Québec» prennent de plus en plus de place dans les présentoirs et les mémoires.

Selon les chaînes et magasins spécialisés, les albums de Noël occupent, de novembre au 26 décembre, entre 5 % et 10 % des présentoirs. De 5 à 10 %, c'est également la part de chiffre d'affaires réalisée annuellement grâce à la vente d'albums de Noël. Et, tant pour l'espace occupé que pour les ventes, l'accent est manifestement plus québécois qu'autre chose depuis une dizaine d'années: «Le Québec, c'est ce qui se vend le plus, tant dans les nouveautés que dans ce que j'appellerais les «nouveaux classiques» comme André Gagnon, Bruno Pelletier, etc.» confirme Jean-Claude Dumesnil, gérant du produit et du marketing pour le Québec chez HMV. Même son de cloche chez Archambault ou chez Renaud-Bray. «Et tous les ans, il y a une surprise, le disque qui marche sans qu'on le voit venir, précise Éric Laflamme, gérant catégorie musique populaire chez Archambault. L'an dernier, reprend-il, c'était le disque de Noël jazzy de Frédéric de Grandpré (Un martini pour Noël, qui a d'ailleurs remporté le Félix du disque de jazz 2004, au grand dam des jazzmen québécois...). Cette année, ça pourrait être le disque The McGarrigle Christmas Hour des soeurs McGarrigle, assez spécial.» C'est en tout cas le disque coup de coeur chez Renaud-Bray, en raison de son indéniable originalité.

Selon nos interviewés, il ne devrait toutefois pas y avoir, cette année de mégavendeur à la Ginette Reno, Bruno Pelletier ou Mario Pelchat, qui ont chacun vendu plus de 150 000 exemplaires de leur disque de Noël, l'année même de leur sortie (Reno en 2000, Pelletier en 2003, Pelchat en 2005). Quoique... tout cela est d'abord affaire d'«effort de promotion» et de budget marketing; or, la Famille Dion, avec son sympathique Party des Fêtes, pourrait bien surprendre, grâce à la promotion soutenue dont elle jouit. Même chose, avec un an de retard, pour le beau disque Noël des anges de Laurence Jalbert, lancé par Audiogram en 2004, mais «passé dans le beurre», faute de soutien suffisant devant un Mario Pelchat très bien appuyé, côté marketing. Audiogram mène donc cette année une offensive pour le disque de Jalbert. De même, six ans après sa sortie manquée, le très inspirant disque Nipaiamianan de Florent Vollant est relancé haut et fort cette année.

Le phénomène n'a rien de surprenant: le disque de Noël est, par définition, un sleeper, c'est-à-dire un disque qui va se vendre année après année, tranquillement, mais sûrement; il peut donc être relancé sans cesse, au mépris des modes et tendances. Les albums de Noël québécois des années 60 et 70, par exemple celui des Classels, se vendent encore et toujours. Les classiques anglophones, souvent instrumentaux ou jazz, «performent» eux aussi: Bing Crosby, Dean Martin, Ella Fitzgerald, A Charlie Brown Christmas (avec l'impeccable Vince Guaraldi Trio), Oliver Jones, Oscar Peterson...

Ce qui se vend moins désormais? D'abord, l'album «curiosité», genre Noël chanté par les chats ou les chiens (cette année, on a droit au double CD Les oiseaux chantent Noël); ensuite, la compilation de type danse (bien que celles faites par le groupe québécois Les Crooners trouvent toujours preneurs) ou de catégorie «cabane à sucre-swingue-la-baquaise-violoneux»; le disque d'humour; enfin, le disque fait spécialement pour les enfants.

La tendance Québec, elle, se poursuivra-t-elle? «Ça diminue d'année en année, observe Jean-Claude Dumesnil, je pense qu'on a pas mal fait le tour en français et qu'on a suffisamment de nouveaux «classiques» pour notre marché.» Même constat chez nos interlocuteurs d'Archambault ou de Renaud-Bray. En effet, à peu près tous les interprètes les plus populaires ont déjà donné dans le disque de Noël, de Ginette Reno à Marie-Denise Pelletier (cette année), en passant par Johanne Blouin et Michel Louvain! À moins d'un éventuel troisième disque de Noël en français par Céline Dion (les deux premiers datent de 1981 et de 1983 et celui en anglais de 1998), qui reste-t-il pour interpréter à sa manière Minuit, chrétiens et Petit Papa Noël? Ben, peut-être bien Isabelle Boulay, Garou ou Marie-Élaine Thibert...