Cru, le coing est immangeable. Il est acide, astringent, dur comme le roc, et pour tout dire plutôt moche. Mais avec un peu de chaleur, il devient divin. Et si vous invitiez le «fruit des dieux» au réveillon?

Vous ne connaissez pas le coing? Il n'y a pas de gêne à y avoir puisque même l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation considère que ce fruit n'est pas apprécié à sa juste valeur et devrait être plus largement utilisé. Découvrez-le en cinq mots-clés.

1. Ève

Méconnu aujourd'hui, le coing a pourtant une très longue histoire qui remonte aux débuts de l'agriculture, en Mésopotamie. Il était alors si prisé que, selon certains historiens, plusieurs références millénaires à la pomme devraient plutôt être attribuées au coing, cultivé bien avant la première et plus adapté au climat. Suivant cette logique, des chercheurs estiment qu'Ève n'aurait pas croqué dans une pomme, mais bien dans un coing avant d'être expulsée du paradis décrit dans la Bible.

2. Knox

On se l'imagine bien mal aujourd'hui, mais au XIXe siècle, la majorité des familles américaines et britanniques de la classe moyenne cultivaient au moins un cognassier dans leur cour arrière, chéri pour ses fruits riches en pectine permettant de réaliser des confitures et des gelées de belle tenue. Mais un certain Charles Knox a provoqué sa chute aussi irréversible que fulgurante en inventant... la gélatine en poudre, bien plus facile à utiliser et à conserver dans le garde-manger. Le coing ne s'en est jamais vraiment remis.

3. Dur

Cousin de la poire et de la pomme, le coing ne se laisse pas apprécier aussi facilement qu'eux. Cru, son goût oscille entre l'insipide et l'infect, alors que sa chair est à se déboîter la mâchoire. Heureusement que la cuisson le métamorphose : le fruit remplace brillamment les pommes et les poires dans la plupart des recettes (on le fera cuire un peu plus longtemps ou le blanchira avant utilisation), à commencer par celle de pommes au four (coupez et épépinez les coings en deux, saupoudrez de sucre - environ 15 ml par fruit - additionné de vanille ou de cannelle et placez au four dans un plat avec un peu d'eau pendant 40 min à environ 350 ºF. Servez avec un peu de crème glacée à la vanille). Choisissez-le donc bien ferme, d'un joli jaune doré avec une peau sans blessures. S'il est recouvert d'un fin duvet blanc, pas de panique : ce n'est pas de la moisissure, mais une protection naturelle, qu'il suffit d'essuyer avec un torchon avant l'utilisation.

4. Achat

Avec son climat chaud et sec, la Turquie est le plus important producteur de coing (25 % de la production) du globe, suivie de la Chine, de l'Iran, de l'Argentine et du Maroc. Le Canada n'en produit pas, et les États-Unis, moins de 1 % du butin mondial, même si c'est surtout de là que proviennent ceux qu'on trouve dans les supermarchés et les fruiteries spécialisées du Québec à l'automne, période de la récolte. Une cinquantaine de variétés sont cultivées dans le monde : les californiennes (dont la Pineapple) sont particulièrement parfumées. Le cognassier trouve le climat québécois trop rigoureux, y pousse difficilement et donne peu de fruits : le Jardin botanique de Montréal a renoncé à en cultiver il y a une dizaine d'années.

5. Service

Puisqu'il est ultrariche en pectine, c'est pour faire des pâtes de fruits ou épaissir des gelées que le coing est le plus souvent utilisé. Enrobée de sucre fin, coupée en cubes, la pâte de coing est servie en Provence au moment du dessert, avec le café. En tranches épaisses, elle accompagne les fromages de caractère en Espagne et en Amérique latine (elle est appelée là-bas le dulce de membrillo), tandis qu'au Moyen-Orient, elle épaissit les sauces des plats mijotés, de préférence avec de l'agneau.

Recettes de Matthieu Saunier, chef exécutif au restaurant Osco ! de l'hôtel Intercontinental.



Foie gras poêlé au chutney de coing

Pour 4 personnes

INGRÉDIENTS

  • 200 g de foie gras coupé en tranches de 50 g
  • farine
  • 1 coing pelé et coupé en dés
  • 2 figues fraîches
  • 50 g de canneberges séchées
  • 1/4 d'oignon blanc ciselé
  • 50 ml de vinaigre de cidre
  • 30 ml de cassonade
  • 4 tranches de brioche
  • 100 ml de fond de canard
  • 15 ml de sirop d'érable
  • 1 pomme grenade
  • 30 ml de mélange quatre épices
  • estragon ciselé

PRÉPARATION

  1. Cuire ensemble les dés de coing, l'oignon ciselé et les canneberges dans le sirop d'érable, la cassonade et le vinaigre pendant environ 1 h à feu moyen, jusqu'à ce que les fruits soient tendres et en évitant qu'ils ne tournent en compote. Ajouter les figues taillées en dés quelques minutes avant de fermer le feu et les grains de la grenade juste avant de mettre à refroidir.
  2. Pour servir avec du foie gras : assaisonner les escalopes avec le mélange quatre épices, saler et poivrer. Enfariner puis passer dans une poêle très chaude, une minute de chaque côté. Réserver sur du papier absorbant pour enlever l'excédent d'huile. Servir sur une tranche de pain brioché grillée avec une quenelle de chutney et un trait de fond de canard réchauffé avec l'estragon ciselé.
* Ce chutney est très polyvalent: il accompagnera tout aussi bien des pâtés ou un foie gras au torchon, des fromages (par exemple un cheddar vieilli) et fera d'excellents sandwichs (à essayer: chutney, rosbif et épinards).



Tagine d'agneau au coing, safran et dattes

Pour de 4 à 6 personnes

INGRÉDIENTS

  • 800 g de cubes d'agneau, ou un gigot entier de poids équivalent
  • 3 L de fond d'agneau (ou, à défaut, de fond de veau)
  • 2 tasses de garniture aromatique (ail, oignons, poireaux, céleri, laurier, thym et carottes en brunoise)
  • 300 g de dattes dénoyautées coupées en deux
  • 3 coings pelés, en dés
  • 2 tomates taillées grossièrement
  • 100 ml de vin blanc
  • 3 g de safran
  • 100 ml de miel
  • 1 c. à thé de cumin
  • 2 bâtons de cannelle
  • graines de sésame noires et blanches (facultatif)
PRÉPARATION

  1. Faire revenir les cubes d'agneau dans un peu d'huile d'olive dans une casserole à fond épais. Réserver.
  2. Dégraisser la casserole avant d'y faire revenir la garniture aromatique. Déglacer avec du vin blanc, laisser réduire légèrement, ajouter le fond d'agneau et les tomates. Ajouter l'agneau, le miel, la cannelle et le cumin et cuire à couvert pendant 3 h 30 min à 275 °F, en retournant régulièrement la viande pour éviter qu'elle sèche.
  3. Ajouter les coings, les dattes et le safran et poursuivre la cuisson 30 minutes.
  4. Servir avec de la semoule, saupoudrer de graines de sésame légèrement torréfiées.



Pâte de coing

INGRÉDIENTS

  • 10 coings
  • sucre
  • pectine


PRÉPARATION


  1. Couper les coings en dés sans les peler. Placer dans une casserole, recouvrir d'eau et cuire jusqu'à ce que la pointe d'un couteau pénètre dans la chair aisément. Égoutter.
  2. Mixer les coings, passer au chinois et peser la pulpe obtenue. Ajouter un volume équivalent en sucre ( par exemple, 3 kg de pulpe nécessiteront 3 kg de sucre) et cuire dans une casserole à fond épais de 30 à 60 min, à feu moyen, en remuant régulièrement.
  3. Ajouter 1 % du poids de la pulpe (30 g si l'on avait obtenu 3 kg de pulpe) en pectine liquide et poursuivre la cuisson pendant 30 min.
  4. Étendre la pâte dans un moule chemisé ou une plaque à cuisson recouverte d'une pellicule plastique. Laisser figer toute la nuit au réfrigérateur.
  5. Couper en cubes et rouler dans du sucre. Les pâtes se conserveront dans une boîte hermétique plusieurs semaines.
Variante du chef Matthieu Saunier: roulez les pâtes dans un mélange de cumin moulu et en graines, ou dans une panure à l'anglaise (farine, oeuf, chapelure) en remplaçant la chapelure par des pistaches concassées, des noisettes ou de la feuillantine, et frire à la poêle.



Sauté de courge musquée et coing au riz rouge de Camargue (plat végétarien)

Pour 4 personnes

INGRÉDIENTS

  • 200 g de riz rouge
  • 1 courge musquée
  • 2 coings
  • 1 oignon blanc ciselé
  • 1 pomme de terre douce

PRÉPARATION

  1. Tailler en petits dés la courge, les coings et la pomme de terre douce pelés. Sauter dans un peu d'huile d'olive dans une poêle jusqu'à ce que leur chair soit tendre. Saler et poivrer.
  2. Cuire le riz rouge en le faisant d'abord revenir dans une petite noix de beurre avec l'oignon blanc ciselé, puis mouiller avec le volume d'eau requis (soit environ deux fois le volume de riz). Ajouter les dés de légumes cuits en fin de cuisson, mélanger et dresser dans les assiettes en décorant avec de la carotte tranchée à la mandoline.

Photos Olivier Pontbriand, La Presse